DANIEL ARTHUR LAPRES

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LE BIJURIDISME - UNE APPROCHE CRITIQUE

par

Daniel Arthur Laprès[1]

1. - Introduction

2. - La bipolarisation droit civil - common law

3. - Un autre pôle du droit - le système chinois

3.1. - Le droit chinois traditionnel

3.2. - Le droit chinois moderne

3.2.1. - La république

3.2.2. - La révolution communiste

3.2.3. - La réforme à partir de 1978

3.2.3.1. - La loi civile

3.2.3.2. - Le régime de la propriété

3.2.3.3. - La profession d'avocat

4. - Conclusion

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1. - Introduction

Le 11 juin 2008, la Banque Mondiale a publié le Rapport du Groupe d'évaluation indépendant sur ses travaux Doing Business[2] qui valide le constat par la Banque d'un retard des pays adhérant à la tradition du droit civil par rapport aux pays rattachés à la tradition de la common law en fonction de certains critères considérés par la Banque comme reflétant le degré de facilité d'entreprendre des affaires (« ease of doing business »).[3] Pourtant, sur les 20 premiers pays appréciés selon ces critères, la Banque en rattache 11 à la tradition du droit civil.[4] En plus, des facteurs autres que l'appartenance à une tradition juridique semblent expliquer mieux encore les variations de niveau de développement économique, en particulier l'éducation.[5]

Déjà en 2005, en réaction à un autre rapport de la Banque Mondiale publié en 2004 ayant évalué les régimes juridiques de quelque 130 pays qui a attribué à la France un score médiocre, et surtout très inférieur à ceux des Etats-Unis et de la Grande Bretagne,[6] les organisations professionnelles et académiques ainsi que le gouvernement français ont tenu un colloque à Washington pour promouvoir le droit civil dans sa concurrence avec la common law, ont créé un fonds pour la promotion du droit continental outre-mer[7] et ont publié deux volumes de commentaires des travaux de la Banque Mondiale, le premier écrit par des universitaires français, vertement critique, et le deuxième, par des correspondants dans les pays étrangers, bien plus nuancé.[8]

Les maîtres-à-penser franco-canadiens jouent un rôle prééminent, aux côtés de leurs confrères français, dans la défense de la tradition du droit civil. D'éminents juristes canadiens ont mis en exergue la compétition entre les deux grandes familles, le droit civil (français) et la common law (anglo-américaine), pour influencer le développement de l'ensemble des systèmes de droits nationaux. On prétend démontrer la supériorité du droit civil en termes de couverture territoriale et d'adhésion populaire.[9] Selon l'Association Henri Capitant, 150 Etats, représentant 60% de la population mondiale, appliquent un système juridique de droit civil pur ou mixte, et 24% de la population mondiale seraient régis par un système de droit civil pur, comparé à seulement 6.5% pour la common law.[10]

À sa source au Canada, le bijuridisme revêt un indiscutable intérêt en tant qu'outil d'analyse de l'histoire nationale; en plus, il correspond à un impérieux besoin atif pour la résolution des défis sociaux canadiens actuels et futurs, et enfin il suscite des effets positifs d'entraînement et de symbiose.

Par contre, la projection bijuridiste au plan international distrait l'attention de questions plus importantes, dont celle de savoir comment conjuguer toutes les connaissances et expériences pour définir les meilleures normes quelles qu'en soient les sources nationales.[11] L'« occident-centrisme » du bijuridisme risque en plus d'aliéner les sujets de traditions juridiques susceptibles de considérer leur droit de rang équivalent aux systèmes hissés aux pôles du bijuridisme.

En Europe, à l'heure de la domination des droits nationaux par le droit communautaire, espèce évolutive, intéressante et attractive, s'il en est, le prosélytisme bijuridiste sape les forces et les moyens dont l'exploitation serait optimisée en les consacrant à la promotion au plan international des principes du droit de l'Union Européenne.

L'argument suivant vise à démontrer comment les différences entre les ensembles droit civil et common law sont surestimées par les bijuridistes et ne justifient pas leur opposition dans une analyse comparative bipolaire[12] alors que les oppositions les plus significatives entre familles de droit sont dérivées des comparaisons avec des régimes juridiques tiers, dont le droit chinois.[13]

Le bijuridisme représente mal les autres traditions juridiques.[14] La carte mondiale des traditions juridiques de l'Université d'Ottawa classifie la Chine parmi les pays à système mixte (droit civil avec des taches de droit « coutumier »),[15] alors que nous nous attacherons à démontrer que le droit chinois est depuis toujours sui generis.

Dans sa version contemporaine, le droit chinois est unique,[16] et d'ores et déjà même les observateurs étrangers ont intérêt à y prêter attention, en ce que le législateur chinois pratique délibérément et ouvertement l'importation des meilleurs concepts étrangers, moyennant adaptation, en contraste avec les promoteurs de la common law et du droit civil dont l'attention est fixée sur l'exportation de leurs propres concepts quels qu'en soient les défauts ou l'inadaptabilité. L'intérêt de cette approche des partisans des droits occidentaux est économique, consistant en la promotion par un pays de son droit comme soutien à ses professions juridiques.

Mais, considérant que l'utilisation d'une certaine langue pour mener une opération juridique indique très fort un choix de loi y applicable qui soit véhiculée dans la même langue, l'exportation de tout système de droit non-anglophone est handicapée par rapport au droit anglo-américain (et vraisemblablement au chinois à l'avenir).[17]

Des moyens de contrecarrer cette évolution existent sans doute, mais le bijuridisme dessert les traditions de ses promoteurs.

2. - La bipolarisation droit civil - common law

Pour opposer le droit civil et la common law encore faudrait-il savoir à quoi chacune de ces expressions fait référence. Visent-elles à distinguer des régimes juridiques observés au plan territorial, fondamental ou procédural.[18] Trop souvent les commentateurs violent les règles de l'unité d'analyse (temps, lieu et sujet) et tombent dans des panneaux d'ignorance, voire de ridicule.[19]

Or quelle que soit la configuration de la comparaison, globale (droit français contre droit anglais) ou partielle (droit civil codifié contre droit civil élaboré par les juges), la covariance entre entre les droits français et anglais plaide en faveur de leur assimilation plutôt qu'à leur opposition.

Aux plans organique et constitutionnel, les parallèles entre la France et la Grande Bretagne, d'une part, et entre la France et les Etats-Unis, d'autre part, illustrent l'aléa des classifications selon des critères nationaux.

La France et la Grande Bretagne ont en commun leur gouvernement unitaire et ceci à la différence des pays de l'ancien Empire Britannique constitués le plus souvent en fédérations (dont les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, l'Inde, le Nigeria).

La constitution américaine fonde une république et consacre la séparation des pouvoirs et les droits de l'homme d'inspiration française plutôt que la suprématie du Parlement dans la tradition constitutionnelle anglaise. 

Considérant qu'il semble acquis que les contenus des droits nationaux des pays membres de l'Union Européenne sont déterminés à concurrence d'au moins 70% par les instances communautaires, il y a lieu de supposer que les droits anglais et français se ressemblent à concurrence de cette même proportion. 

Au plan partiel se posent deux problèmes méthodologiques.

D'abord, toute comparaison partielle soulève le problème de la signification des aspects retenus par rapport au système entier. Ainsi, en France et dans les autres pays ayant adopté un code civil, ce code ne concerne plus qu'une infime minorité des questions traitées par le processus législatif.[20]

Ensuite, des problèmes de définition de dénominateur commun surviennent à cause des tracées différentes dans les droits internes des frontières entre les sous-compartiments. Les sources du droit français ne sont pas entièrement codifiées puisque le droit administratif est surtout l'œuvre originelle des tribunaux administratifs (certes codifiée par la suite), dont la compétence est en principe exclusive par rapport aux différends avec l'administration. Par contre dans la tradition anglo-américaine, les juges des tribunaux ordinaires exercent leur compétence par rapport aux différends avec l'administration. Donc alors que le « droit codifié français » exclue le droit administratif, la common law comprend les règles de contrôle de l'administration.

Dans les comparaisons entre le droit civil et la common law, de nombreux critères de distinction sont avancés avec plus ou moins d'exactitude.

Au niveau des sources historiques, les influences du droit romain, en particulier à travers le droit ecclésiastique, abondent autant dans la common law que dans le droit civil, en déterminant des domaines aussi importants que les droits de la famille et des successions, et ceci jusqu'au 19ième siècle.

La Conquête Normande en 1066 unifie les droits continentaux et insulaires à leurs sources par l'extension à l'Angleterre du droit canonique qui y a exercé à partir de la fin du Moyen Age une influence non seulement devant les cours ecclésiastiques et la Chancery Court, mais aussi devant les cours royales et au sein des universités. L'institution si caractéristique de la common law qu'est le jury tire ses sources du droit canonique du treizième siècle. Et le droit de refuser de témoigner contre soi-même, notion souvent considérée comme propre à la common law, remonte à la maxime nemo tenetur prodere seipsum du droit canonique.

Les rois anglo-normands ont apporté leur contribution majeure à la civilisation dans le domaine judiciaire en instaurant un système de cours royales et en remplaçant les procédures irrationnelles des anglo-saxons par des règles tirées du droit canonique et du ius civile d'origine continentale. L'application généralisée de ces normes a donné naissance à la common law qui s'est ensuite propagée à travers l'empire britannique.

À partir du treizième siècle, le roi anglais déléguait à son Chancelor la faculté d'intervenir pour corriger les injustices et au fil des siècles une organisation judiciaire spécifique est née, les Courts of Chancery. Les Chancelors originels étaient souvent des ecclésiastiques, tout comme bon nombre des juges sous leur tutelle. Cette faculté d'intervention des Courts of Chancery était exercée selon la "conscience", allusion qui évoque des notions de droit naturel. La procédure devant les Courts of Chancery suivait le modèle des cours ecclésiastiques.

Bref, à leurs sources, la common law et le droit civil sont difficilement opposables.

Poursuivant la recherche de critères susceptibles de justifier l'opposition common law/droit civil, le code civil est certes écrit, alors que le droit civil anglais a été développé à l'origine par les juges. Mais la common law est composée des principes (ratio decidendi) identifiés comme ayant motivé les jugements écrits et elle a été consacrée par l'enregistrement, la dissémination et la généralisation des principes posés par les jugements des King's et Queen's Benches. Le droit anglais s'est propagé sur le territoire américain au moyen des Commentaries de Blackstone. Le droit civil américain est né des études des Commentaries par Kent et par Cooke. Il ne peut donc pas être dit du droit anglo-américain pour mieux le distinguer du droit codifié qu'il est non-écrit.

Le critère de distinction fondé sur le recours supposé par les civilistes comme plus fréquent dans la common law aux coutumes pour fonder les règles de droit ne produit pas des résultats plus significatifs que l'opposition écrit/non-écrit. Au contraire, les coutumes ne jouent qu'un rôle marginal dans la construction de la common law et le Code civil lui-même emprunte très largement aux Coutumes de Paris en vigueur dans le nord de la France prérévolutionnaire.

En théorie, la common law et le droit civil se distinguent par les classifications de leurs sources de droit. Mais dans chaque système, les frontières entre les sources internes s'estompent.

Le code n'ayant en théorie aucune lacune, le juge français n'interprète et n'applique que le code. Tout au plus, le juge crée des normes infra-légales ou subsidiaires. Cette observation permettrait de distinguer la common law dans laquelle le juge est une source de règles juridiques indépendante du législateur.

Mais en fait, les juges français ont créé des pans entiers du droit civil et commercial (en matière d'arbitrage international et de droit international privé pour n'en mentionner que deux).[21]

Aussi, dans le droit anglais, le rôle du législateur était (avant l'adhésion à l'Union Européenne) déterminant en théorie ("Supremacy of Parliament").

Dans les deux régimes, le législateur contemporain adopte des textes pléthoriques dont les menus détails réduisent souvent les juges à des exécutants. 

N'empêche que partout les avocats invoquent la jurisprudence dans leurs plaidoiries pour son influence sur les jugements et qu'en même temps et de toutes parts, la règle de stare decisis est battue en brèche.[22]

Donc les oppositions entre droit civil et common law en fonction des différences entre leurs sources de règles de droit ou leur hiérarchisation se heurtent à des problèmes théoriques et empiriques.

Mais, enfin, la codification napoléonienne n'aurait-elle pas investi le droit français d'une spécificité pérenne depuis plus de deux siècles par rapport aux droits anglo-américains qui n'auraient pas eu recours à la technique de la codification?

Si la notion de codification indique des processus d'agrégation et de synthèse, il ne peut y avoir aucun doute que d'importants compartiments du droit anglo-américain étaient déjà réduits à des textes intégrateurs au 19ième siècle, tels que le Sale of Goods Act (1893) et le Bills of Exchange Act (1882). Au cours du 20ième siècle, les instituts de droit privé américain ont obtenu l'adoption généralisée par les Etats de lois spéciales harmonisées relevant du droit privé attribué par la Constitution américaine aux Etats, s'agissant par exemple du Uniform Commercial Code, de la Uniform Partnership Act, de la Model Business Corporations Act.

Le récent rapport des experts extérieurs de la Banque Mondiale tendant à ratifier le constat d'infériorité des systèmes de droit des pays de la tradition du droit civil fournit une illustration convaincante autant de l'inutilité que de la futilité de la bipolarisation. La Banque distingue les pays de la common law de ceux du droit civil essentiellement par une prédilection plus grande chez les seconds pour l'interventionnisme de l'Etat. Mais l'ardeur pour la réglementation varie à l'intérieur du même pays dans le temps, et à tout moment par secteur, donc les comparaisons de la valeur de systèmes juridiques devraient être conduites en respectant les cadres temporels et sectoriels. Or, s'il est difficile de s'accorder sur les comparaisons par rapport aux droits actuels, les difficultés d'analyse en remontant dans le temps se multiplient exponentiellement. Selon certains experts, la réglementation américaine des marchés des capitaux est plusieurs fois plus étayée que les régimes équivalents en Europe, mais les marchés y sont aussi les plus développés et répondent par ailleurs le mieux aux critères de la Banque.[23]

La supériorité de la common law par rapport au droit français en matière de droit de la propriété et du droit commercial n'est censée selon les experts de la Banque Mondiale reposer finalement que sur deux considérations très précises.

D'abord, pour établir une entreprise, il faudrait davantage de procédures, temps et frais ainsi qu'un capital social minimal plus élevé dans les pays du droit civil que dans ceux rattachés à la common law.[24]

Ensuite, le manque de protection des investisseurs et le manque d'accès au crédit sont « imputables à la tradition juridique parce que le Code napoléonien traite des procédures commerciales ». La relative frilosité des banquiers français serait due aux difficultés de recouvrer leurs créances en droit français. La tradition du droit civil obtient une mauvaise notation pour « l'indice de responsabilité des administrateurs » parce que les actionnaires minoritaires y sont insuffisamment protégés contre les indiscrétions des administrateurs représentant la majorité.

À supposer les critiques fondées en fait, elles ne justifieraient guère une attaque générale contre toute une tradition juridique, ni même contre ses seuls droits civil et commercial, et de toute façon, le bien fondé des critiques est contesté.[25]

Dans au moins un cas, les travaux de la Banque ont tendu à décrédibiliser une hypothèse ayant apparemment inspiré le choix de problème à poser aux experts-répondants.

Pour comparer l'efficacité du recouvrement d'une créance assortie d'un chèque impayé, Djankov, La Porta, Lopez-De-Silanes et Shleifer ont conclu de leurs travaux qu'un excès de formalisme dans les pays de la tradition du droit civil engendre des délais de recouvrement plus longs, moins de cohérence, moins d'honnêteté, moins de justice juridictionnelle, et davantage de corruption.[26] Pourtant l'enquête de la Banque auprès de ses experts n'a dégagé aucun désavantage pour le droit civil dans ce domaine.[27]

En résumé, les différences entre le droit civil et la common law ne justifient pas leur opposition dans une analyse globale du droit.

3. - Un autre pôle du droit - le système chinois

Le bijuridisme au plan international est fondé sur des erreurs d'appréciation des systèmes tiers, s'agissant en particulier des traditions asiatiques qui méritent de par leurs spécificités et l'étendue et la durée de leurs influences d'être élevées au même niveau d'importance que la fratrie antagoniste des droits occidentaux.

L'étude des régimes de droits non-occidentaux révèle des traditions juridiques anciennes, développées et bien moins corrélées avec les familles droit civil ou common law que ces dernières ne le sont entre elles.

S'agissant du droit contemporain, le positionnement par les bijuridistes des régimes juridiques asiatiques dans l'orbite du droit civil ne saurait non plus être justifié au regard de leurs contenus et de leurs modes de fonctionnement.

Pour étayer notre argument, nous nous référons au droit chinois traditionnel et contemporain.[28]

3.1. - Le droit chinois traditionnel

L'accent est placé sur les spécificités du droit chinois en ce qui concernne ses règles fondamentales, sa « codification » ainsi que son droit civil et sa procédure judiciaire.

3.1.1. - Les différences fondamentales

Une première particularité du droit (« fa ») chinois par rapport aux droits occidentaux est l'absence de recours à toute notion de divinité pour en expliquer l'origine ou en justifier l'application. Son fondement est plutôt éthique. Le transcendant est atteint en respectant l'harmonie avec l'univers (« tian », « ciel »).

Jouaient également dans l'ordre social chinois traditionnel un rôle évoquant des notions de droit en Occident les rites (« li ») dont le respect est un principe fondamental du confucianisme. Ces rites couvraient une large gamme de situations, passant des célébrations religieuses et civiles à l'étiquette en société.[29] Le respect des rites est demeuré dans la philosophie confucéenne l'attribut distinctif du « jun zi » (gentleman, seigneur, noble). Les valeurs fondamentales sous-tendant le respect des rites relevaient du sentiment inné généralement ressenti par l'homme à un niveau d'abstraction comparable à celle qui est atteinte par le concept du droit naturel dans la tradition européenne.[30] Le respect des « li » implique une fine discrimination entre les personnes en fonction de leur statut et les actes selon leur gravité. Par contre, le droit ne découle d'aucun précepte moral, correspondant plutôt à un outil d'exploitation de pouvoir politique en fonction des conditions de tout moment. Dans la pensée légiste, il s'aplique avec sévérité et uniformément à tout le peuple. Après être restés non-écrits pendant des siècles, les rites sont devenus tellement complexes que même les confucéens ont accepté leur réduction à l'écrit. La prise en compte des rites dans le « code » Tang a rendu les peines généralement moins sévères.[31] La dialectique entre « li » et « fa » est un thème récurrent de la tradition juridique chinoise.

Le droit chinois traditionnel n'avait pas pour vocation de défendre tout régime de propriété individuelle. Les lois écrites dans la Chine traditionnelle ne comportent pas un droit des contrats. Le vecteur de régulation est plutôt la famille dont découlaient les relations de rang. Ainsi, Max Weber a-t-il succinctement résumé l'administration de la justice pendant la période dynastique comme l'oblitération par la famille de la ligne entre la justice et l'administration.[32]

Une autre manifestation de la spécificité chinoise en relation avec le droit est l'application de la responsabilité collective, familiale ou communale, que l'on retrouve bien avant le confucianisme ou le légisme mais qui ont été eux aussi des véhicules de cette pratique.[33]

La loi dynastique est présomptivement la seule de toute l'histoire à avoir prévu des punitions pour les victimes de crimes du fait de leurs dénonciations même finalement avérés fondées et donnant lieu aussi à des sanctions du coupable de l'infraction. Par exemple, l'épouse dénonçant son mari ou sa belle famille était punie de trois ans de servitude pénale et 100 coups du gros bambou, et ceci à supposer que ses accusations soient prouvées (si elles ne l'étaient pas, la plaignante était exécutée par strangulation).[34]

Sous certains aspects, la loi chinoise était plus tolérante que la loi européenne aux mêmes époques. Le droit dynastique a témoigné d'un grand respect pour la vie humaine, châtiant sévèrement ceux qui y portaient atteinte tout en encadrant les peines capitales d'une multiplicité de contrôles permettant aux condamnés d'échapper le plus souvent à l'exécution.[35]

En Angleterre, ce n'est qu'en 1818 que la peine de mort fut abolie pour les vols de plus de cinq shillings. À la même époque, sous la loi pénale chinoise, pour mériter la peine de mort pour vol, il fallait que l'acte porte sur au moins 120 onces d'argent, ou que l'infraction ait été commise trois fois, et la troisième fois pour plus de 50 onces.

3.1.2. - La « codification chinoise »

Dans la tradition chinoise, le débat entre droit écrit et droit non-écrit remonte au sixième siècle avant JC. À cette époque, les rois délibéraient sur les questions au fur et à mesure qu'elles survenaient et refusaient de réduire à l'écrit leurs règles de châtiment afin d'éviter de susciter des litiges parmi le peuple autour de leurs interprétations et de leurs applications. Plutôt, le peuple devait se conformer aux grands principes de la justice (« yi ») en respectant les rites (« li »). L'administration devait au peuple la loyauté (« xin ») et devait agir en donnant l'exemple de la bonté (« ren »).

À partir de 536 avant JC dans le royaume de Cheng, une première loi à caractère pénal a été inscrite sur des vaisseaux en bronze. Cette loi semble avoir rapidement engendré des émules dans les royaumes voisins. Vers 400 avant JC, Li Kui ministre en exercice dans l'Etat de Wei a rédigé Le livre de droit (« fa jing ») qui a servi de modèle pour les lois des dynasties. Le « fa jing » comportait six chapitres : le vol, la violence, les criminels en détention, les arrestations, les lois diverses et les lois générales. Vers 350 avant JC, Shang Yang, ministre de l'Etat de Qin, a instauré un régime d'inspiration légiste en imposant une loi sévère à tous les citoyens sans distinction de statut. Cet Etat a progressivement subjugué ses voisins, fondant en 221 avant JC le premier Etat chinois unifié, et totalitaire.[36]

Dès 206 avant JC, la dynastie Qin a été renversée et la dynastie Han qui a duré jusqu'en 220 après JC a produit en 128 avant JC une loi pénale. Bien qu'il soit convenu de l'appeler un « code », en vérité « compilation » serait une désignation plus exacte en ce sens que les textes n'étaient pas ordonnnés par sujet.

Au cours de la période de désunité qui a suivi la chute de la dynastie Han, les royaumes du Nord et du Sud ont progressé dans la systématisation des « codes » tout en maintenant le caractère pénal de leurs dispositions.

Depuis la dynastie Tang (618-906), il subsiste la série complète des compilations des lois chinoises. Le Code Tang, qui est consiédré comme largementinspiré par le « code » de la dynastie précédente (Sui, 589-618) fournira la structure de tous les codes suivants. Ses 501 articles sont répartis en 12 livres :

I. Définitions et principes généraux,

II.La Garde Impériale et les interdictions,

III.Les règlements administratifs,

IV.La famille et le mariage,

V.Les écuries et les Trésors

VI.Les corvées non-autoriées

VII. La violence et le vol

VIII. Les différends et les actions

IX. Les abus de confiance et les fraudes

X.Les lois diverses

XI.Les arresetations et les fuites

XII.Les procès et l'emprisonnement

Au cours des dynasties Song (960-1279) et Yuan (1279-1368), les textes hérités de la dynastie Tang sont restés en vigueur et sont réputés n'avoir subi que peu de changements.[37]

La restauration nationale entreprise par les fondateurs de la dynastie Ming (1368-1644) a entraîné une refonte des lois qui a abouti en 1397 à la promulgation d'un nouveau « code », comportant 460 articles répartis en 30 chapitres regroupés en sept livres ; les Livres II à VII reprennent la distribution des responsabilités parmi les corps d'Etat constitués depuis la dynastie Tang :

I.Dispositions et définitions générales

II.Droit administratif - Bureu de l'état civil

III.Droit civil - Bureau des Revenus et de la Population

IV.Droit rituel - Bureau des rites

V.Drit militaire - Bureau de la guerre

VI.Droit pénal - Bureau des punitions

VII. Droit des travaux pulics - Bureau des travaux publics

Le « Code » de la dynastie Qing (1644-1911) adopté à l'origine en 1646 suit de près le « Code » Ming bien que le nombre de ses articles ait été réduit à 436 au cours de réformes menées entre 1723-27 et avant d'atteindre sa version définitive en 1740 comportant 436 lois et quelque 1.800 lois subsidiaires.

3.1.3. - Le droit civil et la procédure judiciaire

Pendant la période dynastique, le gouvernement impérial exerçait son pouvoir administratif à travers le pays par des bureaux établis au niveau des provinces (« sheng »), des préfectures (« zhou ») et des comtés (« xian »). Ces bureaux (« yamen ») exerçaient les fonctions administratives, de police, de poursuites et de jugement. Ils étaient dirigés par des fonctionnaires désignés par le pouvoir impérial. Ils étaient polyvalents, mais peu souvent formés en droit. Ils auraient souvent été reçus aux concours pour entrer dans l'administration. Ils provenaient le plus souvent de familles aisées.

La procédure judiciaire dynastique ne distinguait pas entre les aspects pénal et civil des procès. Aux audiences, les parties et les témoins étaient entendus. Les jugements étaient prononcés en application des textes législatifs et en raisonnant par analogie avec la jurisprudence. Les jugements pouvaient faire l'objet d'appels au prochain niveau de la hiérarchie.

En général, les citoyens avaient le droit de d'initier des actions en justice.

Les bons « magistrats », étaient des personnages respectés. Un des plus grands « magistrats », Bao Zheng (999-1062), est apprécié pour son impartialité, pour son combat inlassable contre la corruption endémique à cette époque de la dynastie Song et pour sa défense permanente des intérêts du petit peuple. Bao Zheng a refusé de reconnaître l'exclusivité sur l'introduction de demandes en justice que certains intermédiaires s'étaient arrogé afin d'augmenter les opportunités de pratiquer la corruption. Un indice de la qualité d'un magistrat était sa capacité à résoudre des problèmes. Par exemple, une affaire classique a concerné une dispute entre deux demi-frères qui voulaient chacun prendre possession de la dépouille de leur défunte mère. Le magistrat les a convoqués et a fait exhumer la dépouille de la mère qui a été présentée à l'audience. Le magistrat ayant jugé que la mère avait été fautive en se mariant de nouveau après le décès de son premier époux, quand bien même que sa famille l'avait délaissée, il a ordonné que 100 coups de bambou soient administrés à la défunte mère. Quand le fils du second mariage a abandonné sa demande, il a été ordonné que la dépouille lui soit attribuée.

Les litiges ayant un caractère purement civil étaient plutôt traités par des comités de sages (« lao ren ») ou par les chefs des groupes de cent ménages (« bao zhang »). Souvent leurs décision étaient guidées par les coutumes locales ou les accords entre les parties. (Les chercheurs contemporains en Chine s'intéressent au développement des connaissances sur les aspects civils du droit chinois, suject plutôt négligé dans la doctrine occidentale.)

Le recours à la justice n'avait pas bonne réputation dans la Chine dynastique. Le taux élevé de suicides qui est un phénomène social particulier en Chine traditionnelle trouvait une explication partielle dans la honte ressentie après avoir été entraîné un procès.[38] Plusieurs proverbes chinois dénigrent la justice, dont « Gagnez votre procès et perdez votre argent », « Des dix raisons pour justifier tout jugement, neuf sont inconnus par le commun des mortels ».

En résumé par rapport au droit dynastique, notre propos a consisté à mettre en exergue quelques aspects du droit chinois traditionnel afin de démontrer que ses variances par rapport aux droits occidentaux traditionnels sont plus significatives que les variances entre les régimes droit civil et common law.

3.2. - Le droit chinois moderne

L'expérience chinoise dans le domaine du droit au cours de l'ère moderne est si différente de celle des pays occidentaux qu'il n'est pas raisonnable de ranger la Chine dans l'orbite des régimes dits de « droit civil », ni d'ailleurs dans celui de tout autre régime occidental.

Nous traçons les grandes lignes de l'histoire du droit chinois depuis un siècle à partir de la république (3.2.1.) en passant par les époques de Mao Ze Dong (3.2.2.) et de Deng Xiao Ping (3.2.3.).

Ensuite, nous exposons certains des principaux défis juridiques en Chine contemporaine pour souligner à quel point la situation y est spécifique (3.2.4.).

Quant à savoir à quel système occidental la Chine se serait ralliée pour mettre en œuvre sa réforme législative, le Conseil des Affaires d'Etat a publié en février 2008 une réponse explicite :

La Chine prête attention aux possibilités de se référer aux régimes étrangers et de retirer des leçons de leurs expériences. Dans les domaines de la législation civile et commerciale, les fondements du droit continental et de la common law ont influencé les principes généraux du droit civil, ainsi que les lois afférant aux contrats et à la propriété, et les principes du droit privé et de la législation à travers le monde ont servi d'inspiration . . . La Chine a adopté les principes de la certitude juridique et de la proportionnalité applicables dans le droit administratif moderne. . . La loi pénale a incorporé les principes fondamentaux et l'esprit des lois applicables dans les autres pays. . . En ce qui concerne le respect des droits de propriété intellectuelle et de la protection de l'environnement, la China a également appris beaucoup des expériences à l'étranger.[39]

3.2.1. - La République

Avant la chute de l'Empire manchou au début du 20ième siècle, le droit chinois n'avait pas encore intégré les notions de propriété privée, de séparation des pouvoirs et de démocratie qui ont progressivement encadré les régimes légaux occidentaux et qui animent les débats des philosophes du droit occidental depuis David Hume,[40] le Baron de Montesquieu[41] et Jean-Jacques Rousseau.[42]

Mais dès le milieu de 19ième siècle, les commentateurs du droit prônaient l'importation d'idées politiques occidentales.[43]

Pour le droit civil, la préférence des juristes chinois s'est orientée vers le modèle allemand suivant en cela l'exemple du voisin japonais et aussi sans doute en prenant acte de la victoire des prussiens sur les français. Mais pour la loi relative aux sociétés, les législateurs chinois ont suivi en 1904 le modèle anglo-américain.

En 1904, sept ans avant le renversement de la dynastie Qing, la Commission Impériale pour la Codification de la Loi a été constituée pour étudier l'adoption de concepts juridiques étrangers.

Quand, en 1911, Sun Yat Sen a renversé la dynastie manchoue et fondé l'Etat chinois moderne, le nouveau gouvernement national a maintenu l'ossature législative en vigueur à la fin de la dynastie Qing.

Après avoir pris le pouvoir en 1927, Chiang Kai Shek a essayé d'établir un régime juridique à l'occidental fondé sur les droits individuels et la codification des lois. Au cours des années 1930, la rédaction d'une série de six codes lancée par la Commission Impériale pour la Codification de la Loi a été achevée et les codes ont été adoptés. Le code civil a été inspiré par le code civil japonais, lui-même sous influence prépondérante allemande et subsidiaire française. Mais le gouvernement nationaliste n'est jamais parvenu à imposer les codes à cause des tumultes engendrées par la guerre nationale contre les japonais et leur conflit interne avec les communistes.

3.2.2. - La révolution communiste

La République Soviet Chinoise (1931-1934) fut le précurseur du gouvernement déclaré par le Parti Communiste pour revendiquer en 1949 l'autorité légitime exclusive sur le territoire national. Le régime juridique a consisté en un mélange de sources disparates dont des résidus du « code » Qing et des réformes nationalistes complétées par les idéologies communistes russe et chinoise. Le régime s'est écarté sur plusieurs points importants du modèle léniniste, en particulier la révolution dans les relations familiales attaquait moins l'influence religieuse que l'autorité des patriarches et la domination des femmes par leurs époux. Aussi, la priorité des communistes chinois n'était pas la confiscation des terres au nom du peuple. Par contre, les relations du travail étaient calquées plus fidèlement sur le modèle russe.

Après le fondement de la République Populaire de Chine en 1949, la législation projette la tradition impériale d'accentuer la dimension pénale, mais pour des raisons nouvelles consistant en l'absence d'intérêt des communistes pour les relations économiques privées par définition capitalistiques et donc proscrites.

Entre 1949 et 1963, les organes législatifs ou exécutifs chinois ont promulgué un total de 1,488 lois, règlements et décrets, mais aucun code ou loi organique concernant le droit pénal ou le droit civil n'a été adopté.

Pendant la suprématie de Mao Ze Dong, les tribunaux n'ont jamais jugé en indépendance des autorités politiques.

Quelques centaines de praticiens seulement ont continué l'exercice de la profession et seule la Faculté de droit à l'Université de Beijing est restée ouverte.

L'édifice juridique du premier régime communiste a comporté des tribunaux (trois niveaux, les bancs en premier ressort étant composés en partie d'assesseurs sans formation juridique), la procurature (organisée en quatre niveaux : local, district, province, centre), un ministère de l'ordre public et, à partir de 1959, un ministère de contrôle comprenant des membres du Parti. La contradiction entre la justice d'inspiration populaire au niveau le plus bas et le professionnalisme et la fonctionnarisation des autres composants du système a nourri de vifs débats et même des conflits très rudes.

Les Comités Populaires de Proximité pour la Conciliation réglaient les problèmes survenant entre des parties privées. Les membres des comités étaient choisis par la communauté locale. Ils entendaient les parties et leurs témoins devant des assemblées de voisins. Les comités n'avaient pas la capacité d'obliger des parties à se présenter et ne pouvaient pas prononcer des jugements opposables.

L'évolution vers une organisation judiciaire stable après les tumultes révolutionnaires a été arrêtée en 1957 quand le gouvernement a lancé sa campagne de répression contre les « droitistes » qui avaient osé critiquer le Parti pendant le Mouvement des Cent Fleurs que Mao lui-même avait lancé en 1956.

Pendant la Révolution Culturelle (1966-1975), le système juridique a été négligé à la faveur d'autres instruments de régulation sociale.

La réforme constitutionnelle promue par Mao Ze Dong en 1975 a réduit le nombre d'articles traitant de l'organisation judiciaire de 12 (les articles 73-84) à un seul (l'article 25). Cette même réforme a éliminé certaines des protections les plus chères aux droits bourgeois, dont l'égalité devant la loi, les protections procédurales, la protection de la propriété privée, l'interdiction des arrestations arbitraires.

3.2.3. - La réforme à partir de 1978

Les défis auxquels les professionnels du droit doivent faire face en Chine contemporaine ne peuvent pas raisonnablement être assimilés à ceux qui concernent les architectes et praticiens des droits occidentaux. Pour démontrer que les approches du droit civil en Chine n'ont que très peu de points communs avec celles rencontrées dans les droits occidentaux, nous évoquons en particulier les principes généraux du droit civil chinois, le droit de la propriété et le statut des avocats.

3.2.3.1. - La loi civile

    La loi civile actuellement applicable en Chine a été adoptée à la cinquième session du sixième NPC sous la désignation « Principes généraux du droit civil » et elle est en vigueur depuis le premier janvier 1987.

Elle ne comporte pas de dispositions relatives au mariage, à la famille, au divorce ou aux successions dont la régulation est fournie par d'autres lois.

La loi civile chinoise ne traite pas non plus de la nationalité.

Ci-dessous nous mentionnons les dispositions de la loi chinoise qui nous semblent les plus significatives pour mesurer sa proximité du code civil français.

Dès les premiers articles de la loi chinoise définissant ses principes fondamentaux, le rejet des fondements confucéens amorcé sous la première république est consacré.

    La rupture avec la traditionnelle stratification des classes, conjuguée avec une forte discrimination entre elles est marquée aux articles 2 et 3 qui consacrent l'égalité (« ping deng ») des citoyens devant la loi.

    La loi tranche avec des caractéristiques chinoises le débat séculaire concernant les possibilités pour les juges de compléter les dispositions de la loi et, dans l'affirmatif, dans quelles conditions. La possibilité de raisonner par analogie pour compléter les lacunes de la loi permettait aux confucéens d'exploiter l'imprévisibilité qui en résultait pour les justiciables et aggravait les risques en cas de violations des grands principes de comportement confucéens. Ainsi, l'article 5 des Principes généraux du droit civil prévoit la protection des droits et intérêts (« quan yi ») civils des citoyens et personnes morales contre les violations par tout individu ou organisation et l'article 6 stipule qu'en l'absence de dispositions législatives, il y aura recours aux politiques étatiques pour combler les lacunes.

L'esprit communiste inspire de nombreux principes fondamentaux. Les objectifs de la loi civile comprennent le développement de la modernisation socialiste. L'article 4 dispose que les activités à caractère civil doivent respecter le principe de la compensation à valeur égale. L'article 7 interdit les atteintes aux plans économiques de l'Etat.

    L'intersection entre les valeurs confucéennes et communiste survient à l'article 7 qui appelle au respect de la moralité publique (« gong de »).

L'article 4 exige le respect de l'autonomie de la volonté (« zi yuan »), de l'équité (« gong ping »), de l'honnêteté (« cheng shi ») et de la fiabilité (« xin yong ») et l'article 7 interdit les atteintes à l'intérêt public et à l'ordre socio-économique. 

En vertu de l'article 151, les assemblées populaires des régions autonomes ont la faculté d'adopter des dispositions complémentaires et d'adaptation locale sous réserve de présentation au Comité Permanent de l'APN.

     Les droits civils comprennent le droit de propriété sur des biens et ceux y associés, dont les droits de les posséder, de les utiliser, de les exploiter et d'en disposer.

     Les citoyens ont le droit de se marier avec la personne de leur choix et les mariages arrangés et forcés sont implicitement proscrits. Le mariage, la famille, les vieux, les mères, les enfants et les handicapés bénéficient de la protection de la loi.[44]

Les hommes et les femmes sont égaux devant la loi.[45]

La propriété ne peut être acquise en violation de la loi. Elle est protégée par la loi contre les atteintes portées par tout individu ou toute entité ou organisation.

Les biens objets de propriété étatique appartiennent à tout le peuple. Il est interdit d'y porter atteinte.

    Les biens des collectives sont la propriété des masses populaires. Ceci comprend les terres, forêts, montagnes, etc. stipulées comme étant sous propriété collective.

      L'article 75 définit le périmètre des biens personnels comme comprenant les revenus de sources licites, les habitations, l'épargne, les articles d'utilisation quotidienne, les objets d'art, les livres, les arbres, le cheptel, les moyens de production.

    En application de l'article 121, l'Etat répond de ses violations des droits des citoyens.

    Selon l'article 134 de la civile chinoise, pour faire respecter leurs droits, les plaignants peuvent solliciter des tribunaux qu'ils ordonnent:

- la cessation de la violation,

- l'élimination des empêchements,

- l'élimination des menaces,

- la restitution de biens,

- la remise en état,

- la réparation, ou le remplacement,

- la compensation des pertes,

- le paiement de dommages-intérêts, et

- l'élimination des effets néfastes et réhabilitation de réputation.

En plus, le tribunal saisi d'un différend peut avertir, exiger des demandes d'excuses écrites, ordonner la confiscation de biens et imposer les amendes et mises en détention prévues par la loi.

    Le délai de prescription général correspond à deux ans et est réduit de moitié pour les demandes d'indemnisation pour les préjudices physiques, les ventes de produits défectueux, les arriérés de loyers et les pertes causées par un bien sous la garde de tout tiers. 

Sans que cet inventaire n'ait la prétention d'être exhaustif, il en ressort que les différences entre le Code civil français et la loi civile chinoise sont radicales et nombreuses. Leur assimilation ne se justifie aucunement.

Principes généraux du droit civil chinois

Code civil français

Chapitre I - Principes fondamentaux Chapitre II - Les citoyens Section 1 - Capacité civile et capacité pour les actes civils Section 2 - La tutelle  Section 3 - Déclarations concernant les personnes manquantes et les décès Section 4 - Les entreprises individuelles et les ménages exploitant des baux agricoles Section 5 - Associations entre individus Chapitre III - Les personnes morales Section 1 - Dispositions générales Section 2 - L'entreprise en tant que personne morale Section 3 - Organes officiels, institutions et organisations sociales en tant que personnes morales Section 4 - Associations économiques Chapitre IV - Les actes civils et les mandats Section 1 - Les actes juridiques Section 2 - Les mandats Chapitre V - Droits civils Section 1 - Les droits de propriété et droits assimilés Section 2 - Les droits des créanciers Section 3 - Les droits de propriété intellectuelle Section 4 - Les droits personnels Chapitre VI - La responsabilité civile Section 1 - Dispositions générales Section 2 - La responsabilité civile pour les violations de contrat Section 3 - La responsabilité civile pour les atteintes aux droits d'autrui Section 4 - Les modalités de la responsabilité civile Chapitre VII - La prescription Chapitre VIII - Application de la loi dans les relations avec les étrangers Chapitre IX - Dispositions supplémentaires

TITRE PRELIMINAIRE - De la publication, des effets et de l'application des lois en général LIVRE PREMIER - Des personnes TITRE I - De la jouissance et de la privation des droits civils TITRE II - Des actes de l'état civil TITRE III - Du domicile TITRE IV - Des absents TITRE V - Du mariage TITRE VI - Du divorce TITRE VII - De la filiation TITRE VIII - De la filiation adoptive TITRE IX - De l'autorité parentale TITRE X - De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation TITRE XI - De la majorité et des majeurs protégés par la loi LIVRE DEUXIEME - Des biens et des différentes modifications de la propriété TITRE I - De la distinction des biens TITRE II - De la propriété TITRE III - De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation TITRE IV - Des servitudes ou services fonciers LIVRE TROISIEME - Des différentes manières dont on acquiert la propriété TITRE I - Des successions TITRE II - Des donations entre vifs et des testaments TITRE III - Des contrats et des obligations conventionnelles en général TITRE IV - Des engagements qui se forment sans convention TITRE V - Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux TITRE VI - De la vente TITRE VII - De l'échange TITRE VIII - Du contrat de louage TITRE VIII bis - Du contrat de promotion immobilière TITRE IX - De la société TITRE IX bis - Des conventions relatives à l'exercice des droits indivis TITRE X - Du prêt TITRE XI - Du dépôt et du séquestre TITRE XII - Des contrats aléatoires TITRE XIII - Du mandat TITRE XIV - Du cautionnement TITRE XV - Des transactions TITRE XVI - Du compromis TITRE XVII - Du nantissement TITRE XVIII - Des privilèges et hypothèques TITRE XIX - De l'expropriation forcée et des ordres entre les créanciers TITRE XX - De la prescription et de la possession

3.2.3.2. - Le régime de la propriété

Partant en 1978 d'un régime dans lequel pratiquement tous les biens appartenaient à l'Etat, les auteurs de la réforme chinoise ont graduellement instauré un régime de propriété privée et ont ensuite entamé un long et inexorable processus de privatisation.

Quatre ans après le lancement de la réforme par Deng Xiao Ping en 1978, la nouvelle constitution[46] en son article 10 a stipulé que les terres en zone urbaine appartiennent à l'Etat et celles en zones rurales et dans les banlieux sont la propriété des collectives.[47] Toutes ventes, concessions de bail et cessions des droits de propriété étaient interdites.

L'amendement constitutionnel du 12 avril 1988 a institué le régime des droits d'utilisation du sol susceptibles d'être cédés, d'où la naissance d'un marché de l'immobilier.

La loi chinoise distingue les biens meubles (dongchan) des biens immeubles (bu dong chan). Les droits réels comprennent les droits de propriété (suo you quan), les droits d'usufruit (yong yi wu quan) et les sûretés (dan bao wu quan).[48] Ces deux derniers types d'intérêts peuvent être créés par rapport aux :

- droits nés de contrats pour la gestion de terrains,

- droits de développement de constructions,

- droits d'exploitation du sol aux fins de constructions résidentielles et

- servitudes.[49]

En principe le propriétaire a droit aux produits naturels et légaux de son bien. S'il existe un usufruitier, ce dernier a droit aux produits naturels du bien et les parties s'entendent sur l'attribution des fruits légaux, en l'absence de quoi la pratique commerciale s'applique.[50]

En relation avec les biens sous propriété collective, les questions suivantes sont soumises à l'accord des membres de la collective :

- les plans contractuels afférant aux terrains avec des parties extérieures,

- la répartition des terrains parmi les candidats pour en assumer la gestion foncière,

- les emplois des fruits des terrains, et

- les modifications de la propriété des entreprises financées par elles.[51]

S'agissant des terres agricoles, elles sont la propriété des collectives des villages, qui concèdent des baux aux familles individuelles.[52] Les ménages détiennent l'essentiel des droits associés à la propriété: les droits d'exploitation, de concession de sous-locations et de cessions de leurs droits au bail. Mais la propriété du sol ne peut pas être appropriée ou cédée. En contrepartie de la concession du bail, l'agriculteur transfère une partie de sa récolte ou une somme en numéraire.

Les organes administratifs ont la faculté d'exproprier dans l'intérêt public les terrains appartenant aux collectives, les résidences et autres biens immeubles appartenant à des organisations ou citoyens. Les dépossédés doivent recevoir une compensation comprenant des indemnités pour financer leur rétablissement, pour compenser les pertes de cultures et installations sur les terrains et pour leurs pertes de droits au titre de la sécurité sociale.[53]

La création, modification, cession et épuisement de droits afférant à des biens immeubles lient les parties dès l'exécution des actes concernés mais ne sont opposables aux tiers qu'à partir de leur enregistrement conformément à la loi.[54]

Une cession de bien meuble entre en vigueur au moment de sa livraison.[55]

Hormis les cas suivants, lorsqu'un bien, meuble ou immeuble, est cédé par une personne démunie de ce droit, le propriétaire originel peut récupérer son bien sauf si:

- le cessionnaire a agi de bonne foi,

- il a payé un prix raisonnable, ou

- en cas d'obligation légale d'enregistrement, la procédure a été accomplie, ou, s'agissant d'un bien meuble, en cas de livraison au preneur.[56]

Partant du principe de la propriété de l'Etat par rapport à tous les biens de production, les autorités chinoises ont dû réaliser depuis 1978 un programme de réformes économiques dont les contenus et l'envergure sont incomparables avec les expériences récentes en Occident.

S'agissant des entreprises rurales, elles appartenaient à l'origine aux gouvernements locaux et pour autant se distinguaient peu des entreprises d'Etat. Jusqu'en 1999, 193.000 des entreprises rurales avaient été « décollectivisées », dont 87% ont été transformées en « coopératives par actions », et 13% en sociétés par actions. Les plus grandes entreprises rurales ont souvent été transformées en entreprises dont le contrôle du capital a été attribué aux cadres et salariés en place.

S'agissant des entreprises d'Etat, au cours d'une première phase, le régime de la responsabilité par contrat a été instauré pour leur imputer les pertes et profits. Pendant la décennie des années 1990s, la moitié des entreprises d'Etat a graduellement été transformée en société de capitaux et, dans les cas de plus d'un millier d'entre elles, une minorité de leur capital a été introduite en bourse. Depuis 1999, l'Etat met en œuvre son engagement de privatiser toutes les entreprises d'Etat à l'exception de celles engagées dans des activités impliquant la sécurité de l'Etat, des monopoles naturels, des technologies avancées ou quelques industries jugées spécialement importantes.

Le défi pour les autorités consiste à parachever le processus de privatisation des entreprises en limitant les opportunités d'abus par les initiés et autres malveillants et en évitant que le marché boursier s'effondre sous le poids des introductions en bourse des actions de l'Etat dans ses entreprises. Ces défis et les solutions qu'ils appellent n'ont pas d'équivalents dans les droits occidentaux contemporains.

3.2.3.3. - La profession d'avocat

Après la prise du pouvoir par les communistes,[57] le droit à l'assistance d'un avocat devant les tribunaux a été protégé par les Principes généraux afférant aux tribunaux, par la constitution de 1954 ainsi que par la loi organique afférant aux tribunaux du peuple. Un règlement provisoire afférant aux avocats a été adopté en 1957.

En juin 1957, il a été recensé quelque 19 associations d'avocats, 817 bureaux de conseils juridiques. On comptait 2.500 avocats répartis parmi 33 villes. Tous étaient des fonctionnaires. Mais à partir du déclenchement du mouvement anti-droitiste au cours de cette même année, de nombreux avocats ont été exilés à la campagne. En 1959, le Ministère de la Justice a été démantelé et au fil des mois suivants les organisations professionnelles ont été abolies. Pendant la Révolution Culturelle (1966-1976), le système judiciaire a été asservi aux mouvements politiques.

Au début des années 1980s, la profession d'avocat dont on ne comptait encore que quelques milliers de praticiens a été repêchée. Après la réinstauration du Ministère de la Justice en 1979 avec entre autres missions celle de rétablir la profession d'avocat, l'exercice de l'activité a de nouveau été réglementé en 1980. Les avocats avaient toujours le statut de fonctionnaire et ne jouissaient encore d'aucune indépendance. Dès 1984, le nombre d'avocats avait atteint 11.000.

En 1986, la All China Lawyers Association a vu le jour dont la mission est de réguler la profession d'avocat et, au cours de cette même année, le premier examen d'admission au barreau a été organisé par le Ministère de la Justice.

Les cabinets d'avocats étaient alors exclusivement des entreprises d'Etat. Mais le Ministère de la Justice a autorisé en 1988 l'établissement de firmes en coopération et en 1993 les associations privées d'avocats. En 1993, un code de déontologie leur applicable a été adopté.

En 1996 on recensait 90.000 avocats en Chine répartis parmi 7.200 cabinets d'avocats, dont 5.500 sous contrôle étatique, 500 constitués sous forme de coopératives et 1.200 sous forme d'associations professionnelles.[58]

Une loi nationale régissant les avocats fut adoptée le 15 mai 1996 avec effet au premier janvier 1997.

Selon un rapport du Ministère de la Justice publié en juin 2005, la Chine comptait alors 103,389 avocats à plein temps, 6,841 avocats à temps partiel, 1,817 avocats rattachés à l'administration, 733 juristes d'entreprises, 1,750 avocats militaires, et 4,768 avocats assurant l'aide juridictionnelle répartis parmi 11,691 cabinets d'avocats, dont 8.000 associations professionnelles, 1,746 coopératives et 1,742 contrôlés par l'Etat.[59]

Pour autant les cibles de développement de la profession annoncées par les autorités restent hors de portée:[60] au nombre d'avocats il manque 25% et moins de 20% des avocats en exercice détiennent des diplômes universitaires en droit.[61]

Les avocats jouissent en principe de l'indépendance des autorités dans l'exercice de leur profession. Mais leur licence étant renouvelable annuellement, les occasions pour appliquer de la pression sur les avocats ne manquent pas, et les autorités sont connues pour en profiter lorsqu'il s'agit de défenseurs des causes proscrites, telles que la défense des chrétiens clandestins, la promotion de l'indépendance du Tibet ou des régions dominés par les musulmans (dont le Xinjiang), la critique des Jeux Olympiques, le soutien au Fa Lun Gong, la dissidence démocratique. D'autre part, en vertu d'un amendement à la législation les concernant en 2007, les avocats sont exposés à des poursuites si leurs plaidoiries menacent la sécurité de l'Etat, constituent des diffamations ou causent des atteintes à l'ordre pendant les audiences.

Ce panorama évoquant quelques-uns seulement des défis de la réforme chinoise doit suffire pour démontrer que les problèmes auxquels sont confrontés ses auteurs sont de manière significative différentes, heureusement d'ailleurs, de ceux que relèvent les professionnels occidentaux. Pour un chinois, la question de savoir si son régime juridique est plus proche du droit civil ou de la common law ne saurait avoir qu'un intérêt subsidiaire par rapport à la recherche de l'efficacité dans la réalisation des objectifs sociaux visés.

4. - Conclusion

Nous concluons que le bijuridisme n'a ni cause ni objet au plan international.

Le projet est sans cause puisque l'histoire ne justifie pas la conclusion que le droit civil et la common law sont des opposés polaires et les variances entre elles sont largement moins significatives que celles de chacune des deux familles occidentales avec d'autres systèmes, dont le droit chinois.

Le bijuridisme est sans objet au plan international en ce que l'intérêt de sa promotion est douteux alors que la recherche et l'action dans tous les domaines visent à instaurer les normes les plus élevées pour stimuler le progrès. Espérer imposer tout régime de droit parce qu'il provient de tel pays s'avérera futile.

Le bijuridisme est censé garantir que le droit civil soit le concurrent direct et unique de la common law pour attirer l'adhésion des décideurs du droit émergent. Mais l'expansion de tout régime juridique est probablement plus étroitement liée à des facteurs économiques qu'à la force de volonté de ses promoteurs.

L'évolution du Marché Commun en Europe fournit une preuve éclatante de la fertilité du terroir économique pour le développement de nouveaux régimes juridiques.

La priorité dans le temps dans la rencontre de telle activité suscitant tel nouveau problème juridique installe le droit du pays concerné en avant garde sur le plan mondial. Par exemple, le droit afférant à l'internet, dont le régime des noms de domaine, est très largement investi par des notions d'origine américaine.

Les entreprises agissant à l'étranger ont une préférence pour leur droit national d'origine et pour les cabinets qui en sont experts. Les exportateurs de capitaux optent souvent pour l'utilisation de leur monnaie et pour l'application de la loi y applicable dans leurs contrats de financement. L'essor du droit français pourrait alors être assuré par les grandes entreprises nationales.

Seulement, la généralisation de l'anglais pour le traitement des affaires internationales, y compris au sein des grandes entreprises françaises, engendre une prédisposition à appliquer le droit anglo-américain.

L'action positive et prometteuse de résultats souhaitables consiste pour les juristes européens à promouvoir le droit de l'Union Européenne comme modèle pour la construction de zones de paix, de liberté, de progrès, de floraison culturelle.

À ces égards, les institutions européennes attirent déjà l'intérêt des étrangers. Un élément de preuve concrète en est qu'en Chine dans les librairies et les bibliothèques spécialisées, tout observateur relèvera la présence en quantité d'ouvrages sur le droit américain et de plus en plus souvent l'offre d'ouvrages afférant au droit communautaire et aux institutions européennes. Hormis les occasionnelles traductions du code civil français, les ouvrages sur les droits nationaux européens sont rarissimes.

Une explication de la force d'attraction de la construction juridique européenne tient à ses processus d'intégration de normes empruntées aux régimes nationaux après recherches et études comparatives pour identifier la norme optimale, processus rappellant l'approche chinoise d'intégration de modèles juridiques provenant de l'étranger.

Notes:

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[1] Avocat au Barreau de Paris, Barrister & Solicitor (Nouvelle Ecosse), Conseiller spécial de Kunlun Law Firm, Beijing.

[2] Le texte du Rapport IEG est disponible uniquement en anglais sur le site de la Banque: http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/EXTOED/EXTDOIBUS/0,,contentMDK:21679357~isCURL:Y~menuPK:4664029~pagePK:64829573~piPK:64829550~theSitePK:4663967,00.html.

[3] Selon le Rapport, « There is a great body of literature hypothesizing that differences in economic prosperity can be traced to the legal systems of countries. Some research has posited that countries with a legal system originating in the English common law tradition have enjoyed greater per capita growth than countries whose legal systems originated in the French civil law tradition, deriving from the European civil codes, especially the Napoleonic Code », supra, note 2, p. 69.

[4] La Norvège (5°), le Danemark (8°), l'Irelande (11°), l'Islande (12°), la Finlande (13°), la Suède (14°), la Lithuanie (15°), l'Estonie (16°), la Suisse (17°), la Belgique (18°), l'Allemagne (19°). Les autres sont la Nouvelle Zélande (1°), Singapour (2°), les Etats-Unis (3°), le Canada (4°), l'Australie (6°), Hong Kong (7°), le Royaume-Uni (9°), le Japon (10°), la Thailande (20°), supra, note 2, p. 92.

[5] A l'intérieur de l'Union européenne, le niveau d'éducation explique mieux les variations de niveau de vie que l'intensité de régulation des marchés, Philip Whyte, Why free markets have little to do with inequality (FT), June 1, 2008.

[6] Le premier rapport Doing Business déclarait : « Quand les Anglais, les Français, les Espagnols, les Néerlandais, les Allemands et les Portugais ont colonisé une grande partie du monde, ils ont apporté avec eux leurs lois et leurs institutions. Après l'indépendance, beaucoup de pays ont révisé la législation, mais à quelques exceptions près ils s'en sont peu écartés. Ces voies de transplantation amènent des variations systématiques dans la réglementation qui ne sont pas la conséquence d'un choix de politique publique nationale ni de pressions pour rendre la réglementation plus efficace. Les pays de common law réglementent le moins. Les pays fondés sur le droit civil français réglementent le plus. » Banque Mondiale, Doing Business 2004, p. xiv.

[7] Fondation pour le Droit continental - Civil Law Initiative, http://www.fondation-droitcontinental.org/1.aspx.

[8] L'Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, Société de Législation Comparée, Paris, 2006. Les auteurs français sont François Barrière, Philippe Didier, Philippe Dupichot, Bénédicte Fauvarque-Cosson, Michel Germain, Michel Grimaldi, Jacques Pourciel, Bernard Reynis et Jacques Terray. Les scores de chaque pays étant le reflet des opinions des professionnels nationaux consultés par la Banque, on imagine que la critique des travaux de la Banque Mondiale déteint sur les professionnels nationaux qui y ont participé. Or, l'objectif justifiant la promotion des qualités de son droit national est censé être de promouvoir ses professionnels du droit.

[9] La carte mondiale des traditions juridiques affichée par la Faculté de Droit de l'Université d'Ottawa est reprise à son compte par la Fondation pour le droit continental sur son site web, http://www.fondation-droitcontinental.org/2.aspx. Une étude du Conseil d'Etat a également enteriné ces chiffres, L'influence international du droit français, La documentation française, Paris, 2001, p. 21-22.

[10] Supra, note 8, p. 8.

[11] Pour une explication du processus d'amélioration des normes au plan international, voir John Braithwaite, Peter Kamos, Global Business Regulation, Cambridge University Press, Cambridge, 2000.

[12] La convergence de la common law et du droit civil a été constatée par plusieurs des auteurs de l'Association Henri Capitant, dont les contributeurs provenant de la Belgique (Yvette Mechiers, Nadine Watte, Pascale Lecocq et Christine Biquet-Mathieu), supra, note 8, Volume 2, p. 8, du Brésil (Arnoldo Wald), Volume 2, p. 11, de l'Espagne (Elena Lauroba), Volume 2, p. 35, de l'Inde (David Annoussamy), Volume 2, p. 56, de l'Italie (Anna da Vita), Volume 2, p. 67, des Pays Bas (Diana Dankers-Hagenaars et Wil Wedekind), p. 114 et de Porto Rico (Luis Muniz-Arguelles), p. 118.

[13] La tradition juridique indienne est tout aussi riche et est souvent considérée comme constituant une quatrième famille de droit, le droit islamique en constituant une autre.

[14] Selon les auteurs de l'Association Henri Capitant, « la plupart des pays d'Extrême-Orient n'ont pas de véritable tradition juridique (ni législative et moins encore judiciaire) parce qu'ils sont porteurs d'une civilisation dont l'idéal s'exprime non pas dans un ordre établi par une règle de droit (loi ou jugement) sanctionné par la contrainte étatique, mais dans une harmonie résultat de comportement sociaux dont le respect est assuré par la réprobation qu'encourt celui qui brise un consensus », supra, note 8, Volume 1, p. 82.

[15] Université d'Ottawa, Faculté de Droit, Les systèmes juridiques dans le monde, http://www.droitcivil.uottawa.ca/world-legal-systems/fra-monde.php.

[16] La Banque Mondiale classifie le droit chinois contemporain comme socialiste, ce qui sans être faux est incomplet par la sous-estimation de l'importance de ses caractéristiques induites du contexte national.

[17] Parmi les auteurs de l'Association Henri Capitant, seuls Monsieur Annoussamy (Inde) et Diana Dankers-Hagenaars et Wil Wedekind (Pays-Bas) semblent évoquer ce défi, supra, note 8, Volume 2, respectivement aux pages 62 et 116.

[18] L'association Henri Capitant fournit une illustration de la difficulté de surmonter cet obstacle. À la page 86 du premier volume, on trouve que « Les qualités formelles des codes français ont de tout temps été unanimement louées. Conformément a vœu de ses rédacteurs, le Code civil français est clair, intelligible par le plus grand nombre. » (accentuation ajoutée) Ainsi passe-t-on du code civil français à tous les codes sans voir de contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel invoqué par les auteurs quatre pages plus haut dans leur texte pour avoir censuré la complexité excessive du Code général des impôts (Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, « Loi des finances pour 2006 »), supra, note 8, Volume 1, p. 86.

[19] Les auteurs de l'Association Henri Capitant reprochent aux experts de la Banque Mondiale d'avoir fondé leur appréciation de la loi des faillites en France, si ce n'est qu'en partie, sur une allégation contestée qu'à l'époque médiévale les faillis devaient se coiffer en vert et étaient exposés à des lapidations populaires. Mais, pour sa part, l'Association définit la « common law » comme correspondant aux seules « décisions jurisprudentielles ». Or, ceci fait fi de la règle constitutionnelle anglaise radicalement importante de la souveraineté du Parlement et de plus d'un siècle de législation, supra, note 8, Volume 1, p. 77. Dans un des articles les plus souvent cités comme ayant influencé la réflexion sur les origines du droit, il est prétendu que la codification caractéristique de la tradition du droit civil a été entamée dès le Moyen Age, Edward L. Glaeser, Andrei Shleifer, Legal Origins, The Quarterly Journal of Economics, November 2002, Vol. 117, No. 4, p. 1193-1229.

[20] En plus, les codes autres que le Code civil tirent parfois des inspirations du droit anglo-américain; nous citons à cet égard le Code de la concurrence, le Code financier, le Code de la communication.

[21] Les auteurs de l'Association Henri Capitant font l'éloge du « rôle moteur de la jurisprudence » en droit français. Par leurs interprétations des articles 1121, 1129, 1134 al. 3, 1135, 1142 1384 al.1, les juges « complètent la loi, l'adaptent et, parfois même, l'éludent », supra, note 8, Volume 1, p. 93.

[22] Voir en particulier le Practice Statement (Judicial Precedent) de la House of Lords, [1966] 1 W.L.R. 395. L'auteur du présent article a eu l'occasion de commenter le rôle de la jurisprudence en droit anglo-américain: Judicial Review of Rules of Law - Maxim cessante ratione, cessat ipsa lex, La Revue du Barreau Canadien, Mars 1977 ainsi que Stare Decisis, the Binding Effect of Decisions of House of Lords in Lower Courts, La Revue du Barreau Canadien, Septembre 1974.

[23] Cet argument a été développé par Professor Mark Roe dans un exposé à la Conférence sur The Effectiveness of Comparative Legal Systems, Université de Nanterre, 18 juin 2008.

[24] Ces défaillances seraient imputables à la participation de « notary publics » dans le processus. Pourtant, l'équivalent du « notary public » n'existant même pas en droit français, et l'intervention d'un « notaire », dont le rôle est généralement admis dans les pays du droit civil sans être obligatoire, le lecteur reste perplexe.

[25] S'agissant de la création d'entreprises, supra, note 8, Volume 1, p. 36-42 ; l'accès au crédit, Volume 1, p. 56-70 ; de la protection des investisseurs, Volume 1, p. 62-71.

[26] Simeon Djankov (World Bank), Rafael La Porta (Harvard University), Florencio Lopez-De-Silanes (Yale University) et Andrei Shleifer (Harvard University), Courts, The Quarterly Journal of Economics, Mai 2003, Vol. 118, No. 2, p. 453-517.

[27] L'auteur contribue aux travaux de la Banque sur ce problème spécifique de l'exécution des contrats.

[28] Il y a lieu de remarquer que l'inclusion du Japon dans le camp des pays de droit civil relève aussi de l'audacieux compte tenu de l'influence américaine après la seconde guerre mondiale sur son droit constitutionnel, son droit du travail, son droit des sociétés, son droit financier et son droit de la concurrence.

[29] Les rites favorisent la recherche de la beauté et de la poésie qui sont des moyens d'expression légitime des sentiments humains alors que la loi est dénuée d'inspiration morale ou sentimentale. La « bonté » (« ren ») et l'équité (« yi ») sont les « racines » de tout gouvernement alors que les lois (« fa ») ne sont que ses ramifications.

[30] Derk Bodde, Clarence Morris, Law in Imperial China, 1971, p. 49.

[31] L'influence de la religion bouddhiste quui a connu pendant la dynastie Tang son plus grand essor en Chine a sans doute participé à ce mouvement de clémence relative.

[32] Reinhard Bendix, Max Weber: An Intellectual Portrait, University of California Press, p. 98-99.

[33] Supra, note 30, p. 29.

[34] Supra, note 30, p. 40.

[35] Surtout de nombreuses sentences de mort étaient reportées aux assises, ce qui signifiait qu'elles étaient soumises à révision par l'Empereur et dans la pratique elles étaient souvent réduites, surtout en exile.

[36] Le fondateur de la dynastie Qin a aussi marqué l'histoire en faisant brûler l'ensemble des livres alors existants (sauf ceux sur la médecine, l'agriculture et la divination), ceci pour empêcher que les récits du passé puissent servir de référence pour apprécier le présent.

[37] Supra, note 30, p. 59.

[38] Case 201, 1820, dans Derk Bodde, Clarence Morris, Law in Imperial China, 1971, p. 410.

[39] State Council, China's Efforts and Achievements in Promoting the Rule of Law, Beijing, février 2008, p. 30.

[40] A Treatise of Human Nature, Vol. II Livre III, 1740.

[41] L'esprit des lois, Livre XI, Chapitre VI, 1748.

[42] Le contrat social, Livre II, 1762.

[43] Par exemple, Tan Zitong (1865-1898), un officiel auprès la Cour Impériale Qing prônait l'incorporation d'un régime d'administration inspiré des modèles occidentaux. Yan Fu (1853-1931) a traduit plusieurs oeuvres occidentales afférant au droit et au gouvernement. Wu Ting Fang (1842-1922), fonctionnaire dans le gouvernement de Chiang Kai Shek, recommandait la transplantation du droit anglais pour faciliter la propagation de la démocratie, Thomas Chiu, Ian Dobinson, Mark Findlay, Legal Systems of the PRC, Longman, Hong Kong, 1991, p.5.

[44] Articles 103-4 des Principes généraux du droit civil.

[45] Article 105 des Principes généraux du droit civil.

[46] Cette cosntitution a été adoptée le 4 décembre 1982 par la cinquième sessino de la cinquième APN et est entrée en vigueur le même jour, elle a été amendée le 12 avril 1988 par la première session de la septième APN, le 29 mars 1993 par la première session de la huitième APN, le 15 mars 199 par la seconde session de la neuvième APN, et le 14 mars 2004 par la deuxième session de la dixième APN.

[47] Sauf attribution expresse de la propriété à l'Etat.

[48] Article 2 de la loi relative à la propriété qui a été adoptée le 16 mars 2007 par la cinquième session de la dixième APN et qui est entrée en vigueur le premier octobre 2007.

[49] Titre 3 de la loi relative à la propriété.

[50] Article 116 de la loi relative à la propriété.

[51] Article 59 de la loi relative à la propriété.

[52] Article 74 des Principes généraux du droit civil.

[53] En cas d'expropriation d'uné résidence, le droit à un logement comparable est garanti. Article 42 de la loi relative à la propriété.

[54] Articles 14 and 15 de la loi relative à la propriété.

[55] Article 6 de la loi relative à la propriété. Mais si le débiteur de l'engagement a déjà la possession du bien meuble, la propriété est transférée au moment de cette conclusion.

[56] Article 106 de la loi relative à la propriété.

[57] Le premier règlement chinois reconnaissant la profession d'avocat remonte à 1912 et dès l'année suivante quelque 1,700 avocats étaient enregistrés auprès du Ministère de la Justice. Au cours des années 30s et 40s, le nombre d'avocats a varié autour de 10.000.

[58] Reuters World Report, November 28, 1996.

[59] Fazhibao, June 2005, http://www.legaldaily.com.cn/misc./2005-06/14/content_15498.htm

[60] La proportion d'avocats ne correspondrait toujours qu'à environ deux avocats par 10.000 personnes alors qu'à l'autre extrême, les Etats-Unis comptent 30 avocats par 10.000 personnes.

[61] Xiao Yang, Reform of the lawyers' system in China, p. 3, discours du 15 octobre, 1993 cité dans William P. Alford, Tasselled Loafers for Barefoot Lawyers: Transformation and Tension in the World of Chinese Legal Workers, The China Quarterly, March 1995, p. 22.