DANIEL ARTHUR LAPRES

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ANGLO-AMERICAN LAW AND CANON LAW

Canonical Roots of the Common Law Tradtion

par

Javier Martinez-Torron

Duncker & Humblot, Berlin, 1998

Commentaire de Daniel Arthur Laprès




La mission entreprise dans cet ouvrage consiste à identifier les influences de la loi canonique sur la loi anglaise. Le propos principal de l'auteur est d'affirmer l'existence d'une communauté de droit parmi les pays européens. Ainsi la Conquête Normande en 1066 unifie les droits continentaux et insulaires à leurs sources, en particulier au niveau du droit canonique.

L'auteur développe son argument sur trois axes:

- les sources de droit admises au Moyen Age en Angleterre, et en particulier le droit canonique;

- les institutions anglaises qui ont exercé à partir de la fin du Moyen Age une influence sur l'évolution de ces sources, principalement les cours ecclésiastiques et la Chancery Court, mais aussi les cours royales et les universités; et

- les domaines juridiques de l'influence du droit canonique, notamment le droit de la famille, le droit successoral, le droit des contrats, le droit constitutionnel, le droit procédural.

L'argumentation de l'auteur est en toutes circonstances largement étayée par des références à des sources bibliographiques riches et souvent difficiles d'accès matériel de par leur rareté ou leur vétusté. La documentation retrouvée jusqu'à ce jour étant insuffisante, il est souvent impossible d'identifier clairement les influences directes du droit canonique. Ainsi l'auteur est-il souvent amené à supposer des liens à partir de coïncidences de normes dans le droit canonique et la "common law".

L'auteur rappelle qu'à la fin du Moyen Age, l'Angleterre participait activement à la culture européenne. Archetype de la société féodale, l'Angleterre entretenait des relations soutenues avec le Saint Siège. Les cours ecclésiastiques jouissaient de plusieurs compétences exclusives, notamment pour les litiges liés aux relations de famille. Ces cours ecclésiastiques appliquaient le droit canonique, tout comme leurs homologues continentaux. Lorsque les cours du Roi supplantèrent les cours ecclésiastiques, elles ont néanmoins continué à appliquer les principes du droit canonique. Même la Réformation n'a entamé ni la compétence des cours ecclésiastiques ni d'ailleurs l'application du droit canonique.

Le droit canonique a également exercé des influences au-delà du champ d'activité des cours ecclésiastiques. Selon l'auteur, l'institution si caractéristique de la common law qu'est le "jury" tire ses sources du droit canonique du treizième siècle. Et le droit de refuser de témoigner contre soi-même, autre notion souvent considérée comme caractéristique de la "common law", remonte à la maxime nemo tenetur prodere seipsum du droit canonique.

D'autre part, le droit canonique a fait une percée dans le droit anglais à travers la Chancery Court. A partir du treizième siècle, le Roi anglais, qui avait toujours exercé une faculté d'intervention pour corriger les injustices échappant à ses tribunaux, déléguait cette faculté à son Chancelor sous la tutelle duquel s'est développée au fil des siècles une organisation judiciaire.

Ainsi se pose la question de savoir dans quelle mesure les Courts of Chancery ont appliqué le droit canonique? L'auteur observe d'abord que les Chancelors originels étaient souvent des ecclésiastiques, ainsi que l'a été ensuite bon nombre des juges sous leur toutelle. Il leur a sans doute été tentant d'emprunter dans leurs connaissances de droit canonique pour fonder les principes de leur jurisprudence. D'autre part, la faculté d'intervention du Roi, et donc sous son autorité des Chancelors et enfin des juges sous leur compétence, était exercée selon la "conscience", a priori un domaine développé par l'école du droit naturel. De surcroît, les deux organisations judiciaires invoquent les mêmes maximes, pour certaines celles-là mêmes que l'on est susceptible de retrouver dans le ius commune. Enfin l'auteur démontre que la procédure devant les Courts of Chancery a été en grande partie façonnée selon le modèle des cours ecclésiastiques.

L'auteur ne se veut pas universaliste. Il commente amplement et utilement les spécificités de la "common law". A l'origine, c'est un droit marqué par la procédure. Le recours de principe à des jurys caractérise également la "common law". Par ailleurs, les membres de la profession d'avocat étant formés au sein des "Inns of Court" (les études d'avocat à Londres) alors que leurs confrères continentaux provenaient davantage des universités, le droit anglais est imprégné d'un élément pratique, son approche est dite inductive plutôt que déductive, casuistique et empirique plutôt qu'universaliste et théorique.

Au cours de l'élaboration de son argument principal, l'auteur démontre comment plusieurs des lieux communs entendus sur le Continent à propos de la "common law" manquent de fondement scientifique.

La "common law" n'est pas un droit coutumier; que l'on puisse la qualifier de "judge made" (fait par les juges) ne signifie pas qu'elle repose sur des coutumes. Ensuite le recours si fréquent de notre côté de la Manche à l'expression "droit anglo-saxon" comme synonyme de "common law" est erroné sur le plan historique. En fait, le glas de l'époque dite "anglo-saxonne" dans l'histoire britannique a été sonné en 1066 lors de la Conquête par William I. Enfin, et nous revenons au coeur de l'argument de l'auteur, la "common law" n'a pas évolué en isolation des influences continentales, le droit canonique en particulier ayant fait les apports significatifs recensés dans cet ouvrage.
 

 
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