DANIEL ARTHUR LAPRES

Avocat à la Cour d'Appel de Paris
Barrister & Solicitor (Canada)
Maître de Conférences Associé (Université de Paris - IAE)

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LA DISTRIBUTION EN REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

(Revue Française du Marketing, Paris, Octobre 1996)

par

Daniel Arthur Laprès



 
 
 
 

TABLE DES MATIERES



INTRODUCTION

LE POTENTIEL DE DEVELOPPEMENT DE LA DISTRIBUTION EN CHINE

La restauration

Le vêtement de marque

Le luxe

Les services personnels

Les services liés au voyage et aux loisirs

STRATEGIES D'ACCES PAR LES ENTREPRISES ETRANGERES AU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION EN CHINE

Les accès possibles

L'accès par la Grande Porte du Conseil d'Etat

La vente locale de production chinoise

Approvisionnement local de marchandises importées

Les prestataires de services

Le choix d'un site de référence ('flagship store')

Y aller seul ou en coopération?

MARKETING MIX EN CHINE

Produit

Prix

Réseaux de distribution traditionnels et émergents

Communications

CONCLUSION  

 
 
 
 
 

INTRODUCTION


Depuis le lancement à partir de 1978 de la grande réforme économique en République Populaire de Chine, le secteur de la distribution renaît tel un phoenix des cendres de son existence antérieure à la Révolution Communiste. Au cours de la première année de libéralisation de la vente au détail en 1978, un million de magasins privés ouvrirent leurs portes. 1 Dès 1992, le nombre de magasins privés en Chine avait décuplé. 2 Cette même année, le chiffre d'affaires réalisé par les détaillants chinois a dépassé mille milliards de yuan. 3 En 1995, les ventes au détail auront doublé en dépassant les deux mille milliards de yuan et un nouveau doublement de ce chiffre est prévu pour l'an 2000. L'augmentation réelle du chiffre d'affaires au détail en 1995 par rapport à 1994 a été de 10%. 4

Les produits occidentaux exercent une puissante force d'attraction sur les consommateurs chinois. Les succès d'Avon, Proctor & Gamble, Johnson & Johnson, Nike, Benetton, Kentucky Fried Chicken, Maxim, Pabst, Peugeot, Chrysler et bien d'autres encore sont incontestables. 5

La distribution française appuyée vigoureusement par l'ensemble des instances professionnelles et publiques compte bien exploiter le potentiel chinois. Le Printemps a ouvert en juin 1995 un magasin de cinq étages à Shanghai engageant au moins cent cinquante millions de francs dans la seule rénovation de l'immeuble. 6 L'ouverture de deux autres magasins, à Dalian et à Chengdu, est programmée pour 1996, le magasin de Beijing devant ouvrir en 1997. 7

Au mois de juillet 1995, le CFME (Comité Français pour les Manifestations Economiques à l'Etranger) a invité cent cinquante firmes fran&ccedilaises (arts de la table, bijouterie, gastronomie de luxe, prêt-à-porter, maroquinerie, parfumerie) à exposer leurs produits à Shanghai. 8 Les petites entreprises comme les grandes marques internationales ont manifesté par leur présence leur optimisme quant aux perspectives du marché chinois.

Nous examinons ci-dessous le potentiel de la Chine en tant que marché d'implantation pour les distributeurs étrangers (I), les stratégies d'approche du marché chinois par la distribution étrangère (II) et les éléments du contexte chinois susceptibles d'influencer les marketing mix des distributeurs étrangers (III).

Le risque politique d'un changement de cap socio-économique, voire d'une désintégration de l'état chinois, ou encore de son entrée en conflit armé avec Taiwan sont autant de problèmes que nous ne traitons pas mais dont le risque de réalisation ne peut être ignoré. Le meilleur conseil à donner à cet égard aux distributeurs étrangers attirés par le potentiel du marché est qu'ils limitent leur exposition à une faible partie de leur activité globale. Ainsi, dans une stratégie de portefeuille d'activités diversifiées, la relative autarcie de la Chine correspondra vraisemblablement à une corrélation relativement faible entre l'évolution de l'activité économique en Chine et celle dans les autres grands pays commer ccedilants. 9

L'accès de la Chine au Nouveau GATT entraînerait nécessairement une certaine ouverture des marchés pour les produits en tous genres. La garantie du traitement national pour les prestataires étrangers constituerait un énorme progrès par rapport à leur statut inférieur actuel. Aussi une plus grande transparence de la réglementation chinoise, qui devrait théoriquement coincider avec l'accès au Nouveau GATT, donnerait aux professionnels étrangers une meilleure opportunité de mettre en valeur leur savoir-faire. én général, on peut considérer que les prestataires de services pourront éclore plus rapidement encore que les distributeurs de marchandises dont l'expansion sera ralentie par les engorgements dans les systèmes de transport en Chine.

Depuis avril 1996, la Chine pratique un contrôle des changes correspondant au régime dit de " convertibilité conditionnelle ", signifiant la liberté d'acquisition de devises, à condition que l'opération sous-tendant ait un caractère " courant " selon le sens de cette expression dans la comptabilité internationale. Mais cette liberté annoncée dans le nouvelle réglementation des changes est réduite par l'obligation imposée par les autorités responsables des approbations des investissements étrangers aux détaillants sous contr(tm)le étranger, d'équilibrer les valeurs de leurs importations et exportations. D'un autre c(tm)té, les investisseurs étrangers pourront se procurer librement des devises afin de rapatrier leurs bénéfices réalisés en Chine. Ces acquisitions de devises se feront désormais à des taux de change déterminés selon l'offre et la demande des opérateurs, les autorités intervenant au gré de leurs objectifs macro-économiques.

  • POTENTIEL DE DEVELOPPEMENT DE LA DISTRIBUTION EN CHINE

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    Le potentiel de développement de la distribution en Chine peut être estimé en comparant son intensité actuelle avec celles observées dans des pays, à divers égards, similaires à la Chine.

    Considérons d'abord le niveau de développement économique (estimé en fonction de la consommation d'énergie) par rapport à la part de la distribution dans le produit intérieur brut. La distribution chinoise souffre d'un manifeste sous-développement par rapport aux situations dans les pays ayant atteint des niveaux de développement comparables. Le taux de TEC/t de la Chine se situant en 1988 à 0,73, elle se mesure valablement à l'Egypte (0,63) ou au Brésil (0,68); alors que les parts du commerce dans le produit intérieur brut de l'Egypte (13,0%) et du Brésil (13,3%) dépassent de presque 50% la part du commerce dans le produit intérieur brut chinois (9,8%). 10

    Aussi, une comparaison international de la distribution en termes d'emplois met en relief le potentiel de développementen Chine. Almors que le nombre de salariés par 10.000 dans le secteur de la distribution en Chine au cours de l'année 1985 n'atteignait que les 74 personnes, en France il était plus de quatre fois plus important (335). En 1991, le secteur chinois de la distribution n'employait toujours que 80 personnes pour 10.000. Bien sûr le rattrapage du retard en intensification des canaux de distribution dépendra de la capacité du pays d'augmenter les revenus du peuple. Mais à cet égard, les résultats sont notoirement impressionnants. Entre 1978 et 1992, les dépenses des ménages chinois ont augmenté de deux cent cinquante pour cent. 11 Et cette tendance ne devrait s'estomper de sitôt puisque l'on prévoit un taux de croissance du produit intérieur brut au cours des cinq prochaines années voisinant les dix pour-cent pour le pays dans son ensemble, et atteignant le double dans les zones les plus dynamiques. 12

    Selon l'estimation du cabinet de conseil McKinsey, la demande pour les biens d'équipement ménagers durables (réfrigérateurs, téléviseurs, etc.) devient effective à partir d'un revenu annuel déclaré d'environ $1,000. 13 McKinsey estime alors à soixante millions le nombre de chinois disposant d'un revenu dépassant actuellement ce seuil et à deux cent millions le nombre prévisionnel à l'horizon de l'an 2000. 14 D'autre part, le revenu disponible du ménage chinois est relativement élevé en tant que part de son revenu total. Ainsi, les loyers sont maintenus à des niveaux très bas et les prestations sociales sont pléthoriques. Par conséquent, une très faible part du revenu des ménages chinois (5%) est consacré aux dépenses pour la santé, l'alimentation, le logement et l'éducation, soit le sixième de la part y consacrée par les ménages des les pays asiatiques voisins. 15 Selon le Bureau des Statistiques de l'Etat, dans 35 villes chinoises les taux de pénétration correspondent à 91% pour les téléviseurs, 82% pour les réfrigérateurs et 90% pour les lave-linge. 16

    Cette croissance de la capacité d'absorption des consommateurs chinois se double d'une frustration engendrée par la médiocre qualité des produits offerts dans les magasins traditionnels. Se présente ainsi une opportunité aux intervenants des pays développés dont la qualité des produits est assurée et dont la marque est garante de satisfaction. Les consommateurs chinois, qui ont de plus en plus facile accès aux médias internationaux, font la comparaison entre les produits offerts à Hong Kong, Taiwan et en Asie du Sud-Est avec ceux proposés dans les circuits traditionnels chinois, et ils se laissent volontiers séduire par les modes venues de l'étranger. Ainsi se propage la demande pour les produits de consommation importés (voire en contrebande) ou fabriqués localement et distribués sous une marque étrangère.

    Parmi les secteurs les plus porteurs pour les distributeurs étrangers, il convient de signaler l'alimentation (magasins et restaurants), l'habillement et l'embellissement de la personne et de son environnement (le vêtement de marque, le luxe, l'équipement de la maison), et les services liés au voyage et aux loisirs.

    restauration

    Le McDonald's de Guangzhou détient le record historique de fréquentation pour le jour d'ouverture d'une boutique McDonald's. 17 Kentucky Fried Chicken a ouvert à Beijing sa plus grande boutique au monde desservant presque 600 personnes; la maison mère est réputée avoir récupéré son investissement en un an. 18

    Au déjeuner, les chinois sont attirés par les formules rapides qui réduisent au minimum le temps de distraction du travail. Aussi le revenu des ménages augmentant, la demande alimentaire se transformera avec une part plus importante des revenus étant attribuée aux loisirs, dont les sorties en restaurant.

    Les chaînes de restaurant des pays développés jouissent d'au moins deux avantages compétitifs importants vis-à-vis de leurs concurrents chinois: la garantie de qualité uniforme et une propreté sans commune mesure avec l'état de la masse des boutiques chinoises.

    Alors que les chaînes américaines et hongkongaises semblent ces dernières années se tailler la part du lion dans la restauration rapide, la présence de la gastronomie fran &ccedilaise en Chine est beaucoup plus ancienne. En effet, Maxim existe à Beijing depuis 1982. Sa clientèle d'origine - les touristes et hommes d'affaires expatriés - s'est depuis élargie comprenant actuellement les nouvelles classes aisées locales. Mais, hormis cette vénérable marque, la restauration fran&ccedilaise est certainement sous-représentée en Chine. D'ores et déjà à Beijing, les touristes et des nombres impressionnants de jeunes chinois nantis accourent aux sites caverneux et somptueux des grandes marques américaines (Hard Rock Café, Thank Goodness It's Friday).

    vêtement de marque

    Toute entreprise étrangère faisant produire des marchandises en Chine peut vendre une part de cette production sur le marché local. Une stratégie prometteuse consiste à s'allier avec des fabriquants chinois de divers types de marchandises pour développer une gamme de produits jusqu'à la masse critique pour l'exploitation de magasins de détail en réseaux. Tout membre de la profession ayant la taille critique pour investir en Chine au niveau de la fabrication se devra d'orienter quelques fonds vers la distribution sur le marché chinois.

    Dans ce domaine, la société Nike, dont l'importance stratégique de la fabrication en Chine est bien connue, semble occuper le rôle de leader puisqu'elle s'est d'ores et déjà dotée d'un réseau de boutiques chinoises affichant sa marque. C'est la voie empruntée par la marque italienne Benetton ainsi que par les entreprises honkongaises Giordano, Goldlion, et Pacific Concord. La marque Stéfanel fournit un exemple d'une entreprise fran&ccedilaise fabriquant et distribuant en Chine.

    luxe

    Il y a toute raison de croire que les chinois seront autant attirés par les produits des grands marques fran&ccedilaises que leurs comparses de Hong et Taiwan où certaines des plus prestigieuses des marques fran&ccedilaises réalisent déjà une part importante de leur chiffre d'affaires et/ou de leur résultat. Le Printemps a marqué son adhésion à cette thèse en consacrant un des cinq étages de son nouveau magasin à Shanghai aux produits de luxe.

    Certains distributeurs disent préférer une attitude circonspecte afin de ne pas attiser les contrefacteurs chinois. Mais d'autres répondent que, même dans une stratégie purement défensive de sa marque, la démarche optimale consiste à l'implanter en Chine. La présence commerciale facilitera l'exercice d'un contrôle permanent des conditions locales en vue d'étouffer rapidement toute contrefa&ccedilon. Surtout, dans la mesure où la demande locale de contrefa&ccedilons naît de l'impossibilité de trouver les produits de source, l'accessibilité des produits originaux garantira aux marques au moins la part légitime et solvable de la demande.

    services personnels

    La fascination des chinois avec les styles occidentaux dans l'habillage de la personne et de son environnement créera de nombreuses opportunités pour les prestataires étrangers (dans l'immédiat pour les chaînes de salons de coiffure et de beauté, dans un avenir rapproché pour les architectes et décorateurs). Aussi, la taille même de la population supportera l'exploitation commerciale de niches extrêmement pointus.

    services liés au voyage et aux loisirs

    Les chinois, empêchés pendant des décennies de voyager librement à l'intérieur de leur propre pays, découvrent seulement maintenant les plaisirs du tourisme. Ajoutez à cette demande celle des hommes d'affaires chinois et étrangers et il en résulte une formidable expansion de tous les services liés au voyage. Les hôteliers fran&ccedilais trouveront naturellement leur place en haut de gamme mais toutes les gammes se développeront à des allures importantes. Selon son Vice-President responsable de l'Asie, Holiday Inn est la plus grande marque en Chine où la chaîne exploite17 hôtels. .

    Le désir de marquer son passage sur un site touristique ou de remémorer un événement par des photos, conjugué avec la passion notoire des chinois pour la photographie sentimentale (le mariage, l'enfant, même les obsèques) doivent engendrer un marché important pour les kiosques de développement rapide de photos ainsi que pour toutes les formes de distribution d'appareils et de services liés à la photo. Les franchiseurs de photo-services Kodak, Fuji et Konica sont déjà présentes en Chine.

    Les distributeurs de produits électroniques (télévision, ordinateurs, téléphones mobiles, gadgets en tous genres) trouveront un peuple avide de leurs produits.

    Sur les marchés du divertissement (télévision, cinéma, parc à thèmes, jeu, sport) tous les accès ne sont pas encore ouverts. Bien sûr, en ce qui concerne les médias de communication (journaux, télévision, radio), les étrangers ne peuvent accéder à la propriété. Par contre, rien ne semble s'opposer à des investissements étrangers dans les boutiques vidéo, les salles de cinémas ou les kiosques de journaux.

    STRATEGIES D'ACCES PAR LES ENTREPRISES ETRANGERES AU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION EN CHINE

    Les spécialistes de la distribution de biens et de services dans les pays développés ont dû attendre longtemps avant de pouvoir s'installer en Chine. Sous le régime communiste, les professions commerciales ont été essentiellement interdites aux entreprises étrangères. La libéralisation interne de la distribution à partir de 1982 n'a pas immédiatement entraîné le retrait des interdictions aux investissements étrangers dans la distribution. Même dans les Zones Economiques Spéciales (ZES), le principal souci de toutes les parties prenantes a d'abord été de faciliter les exportations et ré-exportations à travers Hong Kong. Ce n'est qu'à l'aube des années 1990 que quelques dynamiques entrepreneurs de Hong Kong ont réussi à installer des boutiques à l'intérieur des magasins chinois pour y vendre leurs productions locales.

    En 1992, le voyage symbole du patriarche suprême Deng Xiao Ping dans le Sud de la Chine a valu homologation de l'initiative privée exercée notamment dans l'exploitation de magasins de détail. Aussi en 1992, le quatorzième Congrès du Parti Communiste adopta l'objectif de développer le secteur tertiaire, y compris la vente au détail.

    Les accès possibles

    Selon un Règlement provisoire comportant des orientations pour l'investissement étranger, promulgué en juillet 1995 avec effet immédiat par la Commission d'Etat responsable du Plan, les secteurs suivants sont désignés comme étant "d'accès restreint" (catégorie B 12)

    - la vente en gros et au détail,

    - la fourniture et la vente de matériaux

    - le commerce international

    - la construction et l'expoitation de sites touristiques d'engvergure antinoale,

    - les tours de bureaux, de maisons de luxe, de sites touritsiques en haut de gamme,

    - circuits de golf,

    - agences de voyage,

    - les professions d'expertise comptable, de commissaire-aux-comptes ainsi que les professions juridiques et enfin les sociétés de courtage

    - les activités de courtage (pour les bSÀtiments de mer, le transport maritime, les contrats à terme, la vente et la publicité)

    - la formation et les services de traduction.

    Les investissements dans cette catégorie feront l'objet désormais de contrôle par l'échelon administratif désigné de manière générale selon des seuils de valeur d'investissement: niveau national au dela de trente millions de yuans, niveau provincial (ou grande municipalité ou région autonome) entre cinq millions et trente millions de yuans, et en de¸ ;à, niveau municipal. Le contrôle des projets à consonance étrangère dans les secteurs restreints est confié au Ministère du Commerce Interieur. Des études de fesabilité doivent être approuvées par les Départements responsables du Plan ou ceux responsables de la transformation techonolgique des entreprises et ceci au niveau municipal. Les projets sont notifiés à la Commission d'état responsable du Plan ou encore celle responsable des Echanges Economiques. La nécessité d'obtenir les permits (notamment pour l'importation de produits) n'est en rien entamée par le novueau règlement.

    Cette nouvelle ouverture poursuit la tendance largement entamée depuis le début des années 90 tout en créant une certaine confusion. En fait, les dispositions du noveau règlement ajoutent des procédures et des normes matérielles à celles déjà existantes, sans trancher les contadictions entre le nouveau règlement et les textes antérieurs.

    En effet, jusqu'alors, le régime juridique des affaires au niveau national, excluait les entreprises étrangères de l'ensemble de la distribution. L'article 4(2) de la Circulaire ampliative de la loi applicable aux entreprises à capitaux étrangers approuvé par le Conseil d'Etat le 28 octobre 1990 et promulgué par le Ministère des Relations Economiques et Commerciales avec l'Etranger le 12 décembre 1990 exclut les entreprises à capitaux cent pour-cent étrangers des secteurs suivants: la presse, l'édition, la radiodiffusion, la télédiffusion et le cinéma; le commerce interne, le commerce international, les assurances, les postes et télécommunications.

    Par contre, cette exclusion ne s'appliquait ni aux sociétés à capitaux mixtes sino-étrangers, ni aux sociétés étrangères vendant en Chine leur production locale dans le cadre des projets dûment approuvés par les autorités compétentes, ni aux distributeurs de prestations de services.

    Plus récemment, le Conseil d'Etat en 1992 avait autorisé l'ouverture de sociétés à capitaux mixtes pour exploiter pas plus de deux grands magasins à Beijing, Tianjin, Shanghai, Guangzhou, Dalian, Qingdao ainsi que dans les cinq ZES, soit un maximum de vingt-deux magasins en tout. Le Conseil d'Etat s'était ainsi réservé ainsi toutes les décisions concernant les ouvertures futures de magasins de détail par les grands de la distribution étrangère.

    Enfin un autre accès au secteur de la distribution en Chine était offert par l'investissement dans l'immobilier commercial. En effet, les promoteurs de projets immobiliers ont obtenu la faculté de demander des licences pour l'exploitation en direct de leurs locaux. C'est ainsi que le Gouvernement Municipal de Shanghai a approuvé quelque trois cents projets d'investissement étranger dans le secteur du détail correspondant à des investissements de plus de sept milliards de renminbi yuan. Pour sa part, la Province du Fujian a invité les entreprises étrangères à assurer le développement de centres commerciaux importants (superficie minimale vingt mille mètres carrés et investissement minimal cinquante millions de renminbi yuan). La Ville de Beijing a pour sa part annoncé l'ouverture de candidatures à l'exploitation de magasins dans l'alimentaire, le vêtement et la vente en gros.

    L'accès par la Grande Porte du Conseil d'Etat

    Seuls deux projets avaient encore été annoncés jusqu'en début 1995, soit le Yensha Friendship Shopping Centre à Beijing et l'opération conjointe de Yaohan Department Store et de Shanghai No. 1 Department Store à Shanghai. Plus récemment, Le Printemps a lancé ses projets à Shanghai et à Dalian en association avec des partenaires locaux.

    Le 20 décembre 1995 fut ouvert dans le nouveau district de Pudong à Shanghai le plus important grand magasin d'Asie, soit le site New Century Plaza. Ce site a été développé et sera exploité en coopération par Yaohan International Group du Japon et Shanghai N¡ 1 Department Store Joint Stock Corporation. L'espace comporte dix étages et environ dix mille mètres carrés. Le capital social de l'entreprise exploitante est actuellement fixé à US $40 millions mais devrait atteindre US $120 millions au cours des prochaines années. Le chiffre d'affaires annuel prévisionnel correspond à environ US $ 240 millions. Le site doit être rentable dès sa première année d'exploitation et la période de recouvrement de l'investissement est estimée à cinq ans et demi. Quelques 80% des marchandises offertes seront fabriquées en Chine.

    La vente locale de production chinoise

    Les entreprises étrangères ainsi que les entreprises à capitaux mixtes sino-étrangers engagées dans la production en Chine ont la faculté de vendre sur le marché local une part de leur production. Elles en disposent librement et peuvent même ouvrir des magasins sous leur enseigne pour promouvoir la vente de leurs quotas de produits. La taille de cette part de la production susceptible d'être mise à la consommation locale doit être approuvée par les autorités chinoises compétentes. Récemment on a pu noter des accords portant sur des mises à la consommation locale correspondant à 100% de la production.

    Approvisionnement local de marchandises importées

    Dans le cadre de partenariats avec des opérateurs locaux, les distributeurs étrangers peuvent ouvrir des chaînes de magasins en Chine sans se lancer dans la production locale à condition de s'approvisionner essentiellement sur le territoire chinois. Certes on peut concevoir une chaîne de magasins (de bijoux par exemple) dont la quasi-totalité des marchandises seraient achetées en Chine auprès d'intermédiaires agréés. Mais en général ces opérations engendreront des surcoûts prohibitifs (rémunération de l'intermédiaire entre 1 et 5%, plus les droits de douane et les frais d'approche).

    Les prestataires de services

    Les prestataires de services pourront apparemment s'établir sans s'associer à un partenaire chinois. Ainsi, un franchiseur étranger dont l'activité consisterait en la fourniture de services plutôt qu'en la vente de marchandises aurait la capacité de créer son propre réseau en Chine. Il est vrai que dans le cas de grand nombre de services, leur fourniture sera réglementée à d'autres titres; ainsi, les services bancaires tombent sous l'égide de la Banque de Chine, les services juridiques sous l'égide du Ministère de la Justice. Mais à ce stade de notre étude, nous relevons avant tout la possibilité pour les prestataires de services de s'implanter sans nécessairement rechercher un partenaire chinois. Qu'il soit désirable néanmoins de s'associer avec un partenaire chinois est une question toute autre dont la réponse relève de la stratégie de l'entreprise.

    Parmi les franchiseurs étrangers déjà implantés en Chine, on compte, outre ceux déjà mentionnés ci-dessus, dans l'alimentaire: Pizza Hut, Baskin Robbins, Dairy Queen, Vie de France; dans les services d'imprimerie, Alphagraphics; dans les jouets, Toys' R Us, dans les magasins généralistes de petite superficie: 7-11.

    Le choix d'un site de référence ('flagship store')

    Actuellement la tendance semble être de débuter par l'ouverture d'un magasin à Shenzhen. A cela, il y a plusieurs explications. D'abord, le niveau de vie des shenzhenais correspond à un multiple du niveau général des chinois. Cette situation a un effet secondaire: le reste de la Chine étudie et suit les tendances nées à Shenzhen. En tant que ZES, la ville jouit d'un statut fiscal préférentiel et d'un régime douanier allégé. Enfin, située aux portes de Hong Kong, la ville de Shenzhen offre les avantages de Hong Kong au niveau de l'agrément de la vie mais en même temps les atouts de la Chine en compétitivité industrielle.

    Au delà de Shenzhen, l'opérateur étranger sera facilement attiré par les zônes côtières du Sud dans la mesure où les populations du Sud, notamment celles du Guangzhou et de Fujian sont déjà imprégnées des valeurs de Hong Kong et de Taiwan respectivement. Ainsi les franchiseurs ayant réussi leurs opérations à Hong Kong ou à Taiwan peuvent raisonnablement escompter un accueil favorable dans les territoires chinois voisins.

    Encore une autre stratégie consistera à s'implanter d'abord dans les villes les plus grandes et les plus cosmopolites. Dans ce cas, Beijing et Shanghai seront les sites de prédilection. Foyer des élites administratifs et intellectuels, Beijing s'adonne un rôle de pôle technologique de l'an 2000. Pour sa part, Shanghai ne voile aucunement ses ambitions de devenir la plus importante ville d'Asie et consacre à la réalisation de cet objectif tous les moyens imaginables. Le développement de Pudong en face de la Bund prend de telles proportions que ce seul projet de développement s'étendra sur une zone équivalente au territoire de Singapour (175 kilomètres carrés). Le centre financier de Shanghai se hisse à une vitesse vertigineuse au niveau international, que ce soit en termes de technologie ou de volumes d'activité. Le nombre d'étrangers habitant à Shanghai atteindrait d'ores et déjà les deux cent mille personnes, soit autant qu'à Hong Kong.

    Enfin la stratégie adaptée pour certaines entreprises très typées sur le plan national consistera à s'implanter dans les régions de la Chine ayant un lien historique avec leur pays d'origine (une chaîne de "maisons de la bière" débuterait à Tianjin par exemple), ou encore où se trouvent de fortes concentrations d'expatriés ou de touristes de la même origine (restaurants japonais en Manchourie, ou portugais à Macau).

    Y aller seul ou en coopération?

    Certains observateurs des plus chevronnés dans le commerce avec les asiatiques en général et les chinois en particulier excluent totalement l'idée d'une implantation indépendante en Chine. Un partenaire de la zone est à leurs yeux indispensable, et ceci pour des raisons stratégiques plus encore que juridiques. Déjà un partenaire de la zone naviguera souvent mieux à travers les méandres de la bureaucratie chinoise. Le partenaire expérimenté gérera mieux les relations avec l'ensemble des acteurs avec qui l'entreprise entretiendra des relations en Chine (administration, salariés, fournisseurs, créanciers, etc.). Ceci étant admis, il n'y a pas lieu de surestimer la valeur pour les chinois de la constance dans les relations (l'amitié ou le 'guanxi'). A la fin, les facteurs déterminants du décideur chinois demeurent la qualité et le prix.

    Le choix le plus évident sera de collaborer en Chine avec le partenaire actuel à Hong Kong ou Taiwan, voire au Japon ou à Singapour. L'espoir qu'il justifie sa rémunération par des résultats au moins plus rapides que ceux qui auraient été obtenus en son absence n'est finalement pas toujours vain. Mais l'extension logique de ce raisonnement indiquerait de coopérer plutôt avec un chinois du continent.

    Par contre, un inconvénient de toute association avec une entreprise chinoise est que son apport en numéraire sera plafonné par les autorités chinoises. En d'autres termes, la part du capital versée en numéraire (par opposition aux apports en nature et services) par les partenaires étrangers sera nécessairement prépondérante. En effet, les autorités chinoises verraient d'un mauvais oeil une opération dans laquelle une entreprise étrangère s'arrogerait une part de capital dans une entreprise chinoise en n'y contribuant que les droits d'exploitation de sa marque et de son savoir faire.

    Ces contraintes donnent lieu à des montages triangulaires impliquant l'entreprise étrangère apporteuse de sa marque et de son savoir faire, son agent dans la zone apporteur de financements et de services d'organisation et enfin le partenaire chinois contribuant surtout ses connaissances du marché et éventuellement apportant un site où exploiter l'activité.

    Un risque difficile à maîtriser pour le distributeur étranger survient en relation avec la réglementation chinoise sur les transferts de technologie. En effet, toute importation de marque et de savoir faire vers une entreprise chinoise sera considérée comme un transfert de technologie soumis à une réglementation particulière dont les effets principaux sont de ralentir le processus d'établissement et surtout d'imposer dans tout contrat des conditions inspirées de l'intérêt général chinois.

    Si les distributeurs étrangers pourront protéger indéfiniment leur exclusivité sur leur marque en la déposant en Chine, en renouvelant son enregistrement tous les dix ans et en l'exploitant effectivement et sans discontinuité en Chine, la protection à long terme de leur savoir faire sera plus difficile.

    Ainsi le devoir de circonspection imposé au cessionnaire chinois ne peut dépasser le terme du contrat, qui lui-même ne peut excéder la durée nécessaire pour "l'assimilation" de la technologie par le cessionnaire chinois et, en tout cas, aucune obligation ne peut survivre au-delà d'un terme de dix ans.

    Aussi, le droit chinois ne tolère aucune clause imposant des restrictions "déraisonnables" quant aux possibilités du cessionnaire chinois d'exploiter la technologie concernée. En particulier, sauf dérogation expresse accordée par le MOFERT, les clauses suivantes sont interdites:

    - toute obligation pour le cessionnaire chinois d'acheter des biens ou services non-nécessaires à l'exploitation de la technologie transférée;

    - les restrictions de la liberté du cessionnaire chinois de choisir ses propres fournisseurs;

    - les empêchements pour le cessionnaire chinois d'améliorer la technologie transférée;

    - les interdictions pour le cessionnaire chinois d'acquérir toute technologie similaire ou concurrente;

    - les inégalités dans les termes des échanges des améliorations apportées à la technologie par les parties;

    - les limitations sur la production ou les prix de vente des produits réalisés en application de la technologie transférée;

    - toute restriction "déraisonnable" des canaux de vente, y compris à l'exportation;

    - toute interdiction de l'exploitation de la technologie par le cessionnaire chinois après l'expiration du contrat;

    - toute obligation imposée au cessionnaire chinois de payer des redevances pour tout brevet désuet ou caduque.

    Les dérogations ne sont pas impossibles à obtenir mais leur délivrance reste casuistique.

    Afin d'éviter les effets de cette réglementation à l'intérieur de leur réseau en Chine, les distributeurs étrangers de services pourront constituer des sociétés opérationnelles en Chine à cent pour-cent sous leur propre contrôle. Mais dans cette situation, le distributeur étranger devra aussi entièrement auto-financer ses opérations en Chine, solution pas toujours idéale. Les distributeurs de biens désirant limiter les effets de la réglementation chinoise relative au commerce extérieur sur l'évolution de leurs réseaux devront créer une société chinoise ou mixte "écran" intervenant en tant que concessionnaire principal; cette société concessionnaire principale concluera les contrats avec les sous-concessionnaires ou franchisés locaux soumettant ainsi les contrats constitutifs du réseau de distribution au droit commun chinois. Or le droit commun chinois est très peu fourni en normes destinées à encadrer la concurrence. Seuls les accords limitant le concessionnaire dans ses choix de fournisseurs sont proscrits.

    L'importance de bien mesurer et éventuellement contrôler le comportement du concessionnaire chinois, notamment quant à ses propres expansions à l'international, est d'autant plus grande que les entreprises chinoises, surtout les plus grandes dans leurs secteurs, ont déjà une taille comparable à celles des plus gros groupes mondiaux. En particulier certaines entreprises d'état ainsi que certaines des privatisées génèrent des chiffres d'affaires qui les placeraient parmi les plus grandes entreprises au monde.

    Toutes les circonstances sont donc réunies pour que les distributeurs étrangers s'implantant en Chine avec des partenaires locaux y sacrifient à terme leurs avantages concurrentiels en savoir faire, d'où l'intérêt pour le distributeur étranger d'étudier toutes les possibilités d'implantation indépendante avant de recourir à toute forme de coopération.

    La coopération si nécessaire, mais pas nécessairement la coopération!

    MARKETING MIX EN CHINE

    Produit

    La normalisation des produits chinois découle de législation entrée en vigueur seulement en 1990. Sur le papier on trouve grand nombre d'exigences susceptibles de permettre aux distributeurs étrangers d'accentuer leur avantage actuel en termes de garantie de la qualité des produits offerts. D'un autre côté, l'obligation de respecter des normes minimales poussera les acteurs économiques locaux à hausser leurs niveaux de compétitivité, ce qui à terme exacerbera la concurrence.

    Les normes sont établies à quatre niveaux: national, professionnel, provincial et entreprise. Chaque niveau, en commen&ccedilant par le dernier, peut définir des normes en l'absence de dispositions en la matière par un des niveaux supérieurs. Les normes sont soumises à l'agrément du Bureau National de la Supervision Technique.

    Tous les produits, hormis certains produits alimentaires, doivent comporter des certificats d'inspection de qualité. Le Bureau National de la Supervision Technique gère le régime des certificats en imposant des normes dont la rigueur correspond à une exigence de qualité acceptable au niveau international. Les entreprises capables de démontrer que leur système de contrôle de qualité fonctionne au niveau exigé peuvent demander l'autorisation de s'autogérer.

    Les produits importés sont également soumis à des contrôles de qualité par les services douaniers chinois.

    L'étiquetage des produits, y compris les produits importés, est réglementé afin d'assurer l'identification efficace du produit ainsi que celle de sa source et afin de prévenir des dangers inhérents aux produits. En principe les produits offerts au public doivent porter une étiquette en langue chinoise mais pour l'instant cette exigence semble être peu respectée dans les faits. En général les produits alimentaires tombent hors du champ d'application des règlements sur l'étiquetage.

    La réglementation chinoise régissant la vente au détail de marchandises et de services est orientée en faveur du consommateur. Par exemple; la loi interdit les contrats léonins et les clauses excluant la responsabilité civile des fabriquants et même des distributeurs ayant manqué de vigilance. Aussi des voies de recours sont stipulées à l'encontre des distributeurs avec qui tout consommateur aurait un différend. Par contre, les sanctions prévues par la réglementation, étant établies en fonction des conditions économiques en Chine, sont très faibles par rapport aux critères occidentaux. Néanmoins, le risque de poursuite sur le plan pénal subsiste en cas de défaillance flagrante de l'acteur économique doit suffire à compenser l'effet dissuasif relativement faible de la réglementation commerciale.

    Les distributeurs étrangers prêteront un soin particulier aux engagements de service-après-vente qu'ils souscrivent en Chine. En effet, les moyens de communication physiques y étant gravement sous-développés, les entreprises mesureront et assumeront avec difficulté les coûts associés au service après-vente, notamment en cas d'engagement de réparation où que le produit se trouve sur le territoire chinois. Aussi, le réservoir de techniciens locaux n'étant pas partout suffisant pour assurer les réparations sur le site, on étendra avec prudence le rayonnement de sa garantie de service après-vente en dehors des grandes agglomérations.

    Une importante dimension de la politique produit de toute entreprise étrangère implantée en Chine concerne la protection de ses droits de propriété industrielle brevets (marques, savoir faire, dessins et modèles industriels) et intellectuelle (droits d'auteur et logiciels). En particulier tout distributeur dont la marque joue un rôle important dans son développement évitera qu'un imposteur s'accapare de droits d'exploitation de sa marque en Chine.

    La Chine étant signataire des grandes conventions internationales en matière de propriété industrielle et intellectuelle, les titulaires de droits étrangers bénéficieront en Chine du traitement national, c'est-à-dire qu'ils jouiront des mêmes protections que celles offertes par la loi chinoise aux ressortissants chinois.

    Les déposants de nouvelles marques dans les pays membres des conventions signées par la Chine (la Convention de Berne et l'Arrangement de Madrid - toutes deux également signées par la France) auront un délai de six mois après le dépôt dans le premier pays membre pour répliquer l'enregistrement en Chine. Les marques déposées depuis plus de six mois, et dont la renommée jusqu'en Chine ne peut pas être facilement démontrée, n'ont d'autre bonne solution que d'enregistrer leurs marques en Chine avant qu'un imposteur ne les devance.

    En cas de dépôt préemptif en Chine par un concurrent de mauvaise foi, une procédure de radiation pourra être entamée à l'encontre du déposant non-exploitant en Chine à condition que la marque n'ait pas été effectivement exploitée pendant cette durée. Ou encore, la radiation pourrait être demandée lorsqu'il y a eu usurpation de la notoriété de la marque au moment de son enregistrement originel en Chine (avec tous les aléas qu'une telle procédure peut comporter). Autrement, il conviendra très souvent de négocier une solution de gré à gré avec l'usurpateur.

    Au-delà de l'existence des textes juridiques écrits, restent encore à être déterminées la volonté et la capacité des autorités administratives et judiciaires de les faire respecter par les opérateurs privés et officiels. Les diverses administrations étant elles-mêmes parmi les pires contrefacteurs de logiciels, et l'armée étant réputée être partie prenante dans la contrefa&ccedilon de compact disques et de vidéo-cassettes, les voies officielles et directes ne s'avéreront pas toujours opportunes. Aussi, les sanctions ne donnent pas satisfaction puisque les montants de dommages-intérêts alloués sont dérisoires et l'exécution des jugements aléatoire.

    Toutefois les américains ont récemment obtenu de sérieux engagements chinois quant à la future efficacité d'application des lois chinoises relatives aux droits de propriété industrielle et intellectuelle. Quid du statut des entreprises européennes dont les gouvernements adoptent un comportement moins agressif envers les autorités chinoises?

    Prix

    Les prix sont essentiellement libres à l'heure actuelle. Seuls restent sous contrôle des autorités les prix de quelques denrées de base.

    La réglementation des prix de vente telle qu'elle existe maintenant en Chine vise surtout la protection du consommateur et l'élimination de pratiques anti-concurrentielles. Ainsi la loi du 31 octobre 1993 (entrée en vigueur le premier janvier 1994) oblige les distributeurs à afficher clairement les prix des produits proposés dans le magasin. En principe la vente au-dessous du coût est interdite par la loi du 2 septembre 1993 (article 11). Les seules exceptions concernent les produits frais, et certaines opérations saisonnières ou de liquidation de stocks en vue d'un changement d'activité.

    En termes de stratégie des prix, les distributeurs étrangers se concentreront sur les produits situés en haut de gamme. Mais à terme la seule taille du marché chinois permettra aux entreprises étrangères y ayant accédé relativement tôt d'avancer rapidement sur la courbe de l'expérience justifiant des stratégies coût/volume.

    En général, une bonne stratégie consistera à pratiquer des prix cohérents avec la renommée internationale de la marque profitant des parapluies offertes par une concurrence locale inefficiente et faible. Les primes par rapport aux prix de la concurrence locale seront ré-investies en soutien de l'image de marque.

    Une politique de prix unique à travers toute la Chine sera difficilement praticable pour grand nombre d'entreprises à cause des conditions variées des divers sites (différence de loyers, de salaires, de marchandises, etc.).

    Enfin il y aura lieu de ne pas abuser des possibilités offertes par le transit des marchandises importées par Hong Kong et refacturés par des sociétés intermédiaires y domiciliées. Les accusations d'évasion fiscale ou de fraude fiscale basées une politique trop agressive de mise à l'abri des bénéfices pourraient attirer la foudre des autorités. En effet les sanctions pénales en Chine sont souvent imprévisibles et excessives.

    Réseaux de distribution traditionnels et émergents

    La brimade infligée par les maoistes à la distribution à partir de 1953 a réduit de 20 à 5% sa part dans l'activité économique en Chine (alors que sur la même période, la part de l'industrie a augmenté de 20 à 50%). A son nadir au milieu de la Révolution Culturelle, le commerce n'engendrait même pas 3% des emplois dans le pays. Le secteur privé, parti de 64% des ventes au détail en 1952, s'est effondré à seulement 3% en 1957.

    Dans l'échafaudage étatique maoiste, la responsabilité primordiale pour la distribution des biens de consommation était placée au niveau du Ministère du Commerce. Ce dernier gérait deux filières: les entreprises commerciales d'état qui assuraient l'approvisionnement des villes, et les coopératives d'achat et de vente (CAV) dont l'activité se limitait aux campagnes. En complément de ces filières, certains autres ministères géraient la distribution de produits les concernant particulièrement. A la différence des entreprises d'état, les CAV ont été formées en mettant en collectivité des moyens de production. Donc les incitations individuelles pouvaient y exercer une influence plus grande. Les entreprises collectives comprennent surtout des coopératives agricoles et des petits magasins en tous genres.

    L'atrophie des réseaux de distribution des marchandises en tous genres et le sous-développement de l'infrastructure logistique ont engendré une certaine autarcie des régions. Certaines provinces occasionnellement appliquent aux marchandises provenant d'autres provinces des barrières à l'entrée (y compris même des taxes d'importation), ceci bien sûr au grand dam des autorités centrales qui sont pourtant incapables d'éradiquer ces pratiques.

    Le Xinjiang jusqu'à la fin des années 1980 interdisait l'importation de quelque quarante-huit produits (dont les téléviseurs couleur, le savon et les alcools blancs). D'autres provinces régulent les flux à la sortie de produits destinés à être transformés (et éventuellement ré-importés); ainsi en 1989, alors que la ville de Shenyang devait recevoir quelque trois mille tonnes de coton du Shandong, seulement trois cents sont parvenues. En 1993 le gouvernement chinois a inclus dans la loi relative à la concurrence déloyale une interdiction de ces barrières au niveau provincial et local mais l'effet pratique de ces mesures est encore difficilement déterminé.

    Dans le cas des biens de consommation, ce cloisonnement physique des zones est exacerbée par l'organisation verticale des circuits de distribution. Selon la nature du produit (stratégique, important, ordinaire) son acheminement faisait appel à plus ou moins de grossistes. Ainsi un produit stratégique (la qualification étant faite en fonction surtout de la rareté du produit par rapport au besoin) pouvait passer entre les mains de trois grossistes avant d'être mis en rayon par le détaillant. Les grossistes de première classe exploitaient dans les grandes capitales commerciales (Tianjin, Shanghai, et Guangzhou). Les grossistes de deuxième classe étaient situés dans les capitales provinciales. Au troisième niveau on trouvait les demi-grossistes/détaillants établis dans les chefs-lieux districts.

    Chaque projet d'opération inter-régionale initiée par des membres inférieurs de la hiérarchie devait remonter chacune des hiérarchies internes jusqu'au niveau des officiels régionaux de part et d'autre. Ainsi le vendeur situé dans une région vendait à travers ses grossistes jusqu'au niveau régional. Après réalisation de l'échange à ce niveau, les objets de la vente redescendaient la hiérarchie des grossistes jusqu'au détaillant. Cette multiplication des coûts a sûrement freîné le développement des échanges inter-régionaux.

    Ce n'est qu'en 1982 que fut lancé le plan de réforme du secteur de la distribution.

    La réforme a graduellement démantelé les entonnoirs de la distribution verticale libérant les grossistes et les commer&ccedilants dans leur choix de fournisseurs à l'intérieur du territoire chinois. Ce geste donna un formidable coup de fouet à l'initiative privée capable de court circuiter les filières labyrinthiques de la distribution étatique. D'autre part, la propagation de la propriété privée a été encouragée en mettant en gérance libre et ensuite en privatisant grand nombre de petits commerces appartenant à l'état et aux des collectivités. En 1987 les CAV sont redevenues des coopératives à part entière en droit chinois.

    Les résultats de la réforme ne sont pas faits attendre. Le secteur étatique, qui avait sans cesse augmenté sa part des ventes au détail totales entre 1952 et 1978 (évoluant de 18 à 58%) a entamé depuis la réforme une descente en douceur (42% en 1988). Par contre, alors que la part du secteur collectif dans les ventes au détail se stabilise autour de 38%, la part des entrepreneurs privés correspond actuellement à 20% de ventes totales, quatre fois plus que dix ans auparavant. Autre signe de la réussite des réformes après 1978, la part des ventes directes des paysans aux citadins a augmenté de plusieurs fois (augmentations de 3 à 6% pour les céréales, de 23 à 70% pour cent pour les volailles, de 6 à 60% pour les oeufs). Jusqu'en 1988, les principaux produits dans le commerce duquel l'état dominait toujours étaient les céréales (80%), le coton (95%) les oléagineux ((63%) et le thé (62%).

    En termes de type d'activité exploitée par la nouvelle classe commer&ccedilante, le petit kiosque où l'on trouve des produits en tous genres a augmenté sa part du parc de magasins de détail en 1979 qui se situait autour de 10%, à 83% dès 1988. Parti d'un niveau de 2,7% de l'emploi dans la vente au détail, les kiosques en 1988 employaient plus de 50% des effectifs dans la vente au détail.

    Les conditions dans lesquelles peuvent être construits les réseaux de distribution en Chine sont définies par la nouvelle loi relative à la concurrence déloyale (2 septembre 1993). La loi proscrit la corruption englobant sous cette qualification les commissions et remises secrètes ainsi que celles n'ayant pas justification commerciale réelle. Les clauses contractuelles obligeant le client à acheter certaines marchandises pour accéder à d'autres sont interdites ainsi que toute autre clause "déraisonnable". Mais l'ossature réglementaire couvrant les réseaux sélectifs ou exclusifs reste très sous-développée. Pour l'heure, il conviendra de tenir compte des obligations générales imposées par la loi en évitant de commettre des excès; les principes de liberté de choix, d'égalité, équité, honnêteté et fidélité étant consacrés par la loi, on peut imaginer leur application à des clauses contractuelles limitant par trop la liberté d'action de tout concessionnaire.

    Le principal obstacle au développement de la distribution en Chine n'est plus idéologique ou institutionnel, il est logistique. En effet, les systèmes de transport sont engorgés empêchant la circulation normale des marchandises. A titre d'exemple, le transport d'un lot de marchandises par camion de Guangzhou à Beijing (soit un trajet de quelque 1.000 kilomètres) prend souvent deux semaines. Par train, la livraison de marchandises de Canton à Beijing peut prendre plus d'une semaine.

    A ce problème les autorités répondent avec des plans ambitieux de construction de routes et de chemins de fer, et surtout elles invitent les entreprises étrangères à investir dans les grands projets d'infrastructure. Le fait qu'il y ait des candidats étrangers (souvent de la diaspora chinoise) à la réalisation de ces projets (par exemple dans le cadre de contrats dits BOT "build operate and transfer") nous incite à adopter une attitude optimiste quant à la résorption à moyen terme des embouteillages dans la distribution physique des marchandises.

    Communications

    Bien que jamais officiellement censurée par le régime communiste, l'activité publicitaire a pourtant disparu après la Révolution maoiste. Sa réapparition date de 1979 après une campagne favorable menée dans les médias écrits les plus prestigieux de Chine. La première publicité est parue à la Shanghai Television Station le 28 janvier 1979 promouvant la vente d'une herbe médicinale. Ont rapidement suivi des annonces dans des supports imprimés, la première publicité imprimée étrangère ayant été publiée par le Wenhui Bao le 15 mars 1979. A l'heure actuelle, la publicité joue un rôle de plus en plus important dans l'économie chinoise bien que les obstacles matériels et idéologiques retiennent la Chine en de¸ ;à de son potentiel en comparaison avec d'autres marchés asiatiques.

    En 1992, on recensait 16.683 agences de publicité en Chine engendrant un chiffre d'affaires de plus de 16 milliards de yuans et employant plusieurs centaines de milliers de personnes. Dès le début des années 1980 les annonceurs japonais en particulier ont engagé des campagnes en Chine alors même que leurs produits n'étaient pas disponibles à la vente (Seiko, Citizen, Casio, Hitachi et Toyota, entre autres). La première agence étrangère à s'établir en Chine, en 1986, fut d'ailleurs japonaise (Dentsu, Young et Rubicam).

    En ce qui concerne la capacité des médias d'atteindre le consommateur chinois, on estime à 350 millions le nombre de téléspectateurs aux heures de grande écoute, avec des pointes dépassant même les 900 millions de téléspectateurs. Les quotidiens sont lus par plus de 200 millions de personnes. En 1992 la Chine comptait 1.755 quotidiens (huit fois plus qu'en 1979), tous ouverts à la publicité étrangère dont 200 se spécialisant dans les informations économiques En 1993 plus de 600 stations de télévision émettaient des programmes (200 de plus qu'en 1978); de surcroît, l'introduction de satellites et de réseaux cSÀblés permettent une couverture de 80% de la population chinoise. Toutefois, les dépenses publicitaires en Chine par rapport notamment au produit national brut demeurent faibles (0,1%).

    Le prix d'accès aux médias chinois est longtemps resté abordable, pour ne pas dire dérisoire. Par exemple, en 1993 le tarif d'un spot de 30 secondes à une heure de pointe sur le réseau de télévision nationale (CCTV) était $4.500. Ces prix sont certainement amenés à être rehaussés, d'autant que les restrictions sur la quantité de publicité par rapport aux contenus informationnels dans les journaux sont extrêmement limitatives. Ainsi, les journaux chinois consacrent à la publicité moins de 20% de leurs pages alors que cette part atteint les 50-70% en Occident. D'ores et déjà, la difficulté d'obtenir des espaces publicitaires complique l'organisation des campagnes en obligeant les annonceurs à réserver leurs spots longtemps à l'avance.

    Les conditions d'exercice du métier de publicitaire en Chine demeure problématiques. D'abord les équipement sont insuffisants en nombre et en qualité, et le personnel manque de formation dans techniques occidentales. Aussi la moralité des acteurs du secteur est loin d'être admirable. En 1989 sur 751 agences de publicité recensée en Chine, presque 10% ont été obligées de fermer leurs portes à cause de fautes d'administration ou de comportements illicites, dont notamment la publicité mensongère. Néanmoins les autorités luttent agressivement contre ces pratiques et l'instauration de la China Advertising Association en 1982 est à cet égard de bonne augure.

    Bien sûr les annonceurs étrangers redouteront tout à fait légitimement les aléas de la censure chinoise motivée par des considérations idéologiques imprévisibles. Mais l'engagement des autorités à bien séparer politique et économie semble satisfaire le plus grand nombre d'intervenants étrangers.

    Au-delà de la publicité comme moyen de communications, les chinois apprenent à exploiter toute la gamme des moyens de communications. En particulier, les salons et foires sont depuis le début des réformes exploitées par les autorités pour marquer la présence chinoise sur le plan international. L'obstination des autorités chinoises à obtenir le sacre de l'attribution des Jeux Olympiques témoigne de la compréhension du rôle de l'événementiel. Mais dans de nombreuses industries la Chine organise maintenant des salons et foires dont l'objet est d'attirer une participation internationale.

    L'utilisation de techniques de promotion des ventes (coupons, concours, échantillon gratuit, etc.) reste encore rudimentaire. La loi du premier décembre 1993 relative à la concurrence déloyale interdit les loteries dont le lot dépasse 5.000 yuans ainsi que toute promotion frauduleuse ou participant à la vente de produits défectueux.

    Finalement le défi le plus important pour l'annonceur étranger sera de convaincre le consommateur ordinaire de l'erreur dans le très ancien aphorisme chinois selon lequel "ceux qui crient le plus fort sur les marchés vendent les produits les moins bons".

    CONCLUSION

    Le marché chinois offre désormais aux distributeurs occidentaux des opportunités très attrayantes. Le dilemme opposant l'attraction du marché le plus important par rapport à celle du marché croissant le plus rapidement trouve sa résolution sur le marché chinois. Non seulement il croît plus rapidement que les autres, mais il est, ou en tout cas sera à terme, le marché le plus important du monde. Aussi, le goût de la consommation ainsi que les moyens d'y satisfaire deviennent de plus en plus répandu en Chine. Enfin les marchés s'ouvrent à la concurrence même étrangère.

    Reste un éternel défi de la Chine: l'opacité de ses institutions et les extrémités atteintes par la balan&ccediloire sociale . Elle retarde les procédures de réforme. Elle occulte les conflits idéologiques. Elle diminue la prévisibilité des tendances politiques, économiques et sociales. Elle augmente le risque supporté par l'investisseur étranger.

    Bref, si le moment est venu pour les distributeurs étrangers de faire leurs premiers pas en Chine, la marche vers la réussite sera bien d'au moins dix mille kilomètres.

    1 Ceci correspond à environ 600 milliards de francs fran&ccedilais au taux de change observés au cours du deusxième trimestre de 1996.
     
     

    NOTES



    1 Keri Davies, Foreign Investment in the Retail Sector of the People's REepublic of China, The Columbia Journal of World Business, Automne 1994, 56, 57.

    2 Idem.

    3 Dont 85% ont été réalisés dans des magasins appartenant à des personnes physiques, idem.

    4 Chiffres du State Statistical Bureau, cité dans un reportage de Reuters Financial Report, le 18 septembre 1995. Les ventes au détail pour le seul mois d'aoât, traditionnellement un mois calme, ont auigmenté en 1995 par rapport à 1994 de 27% en termes nominaux, idem.

    5 Keri Davies, op. cit., 65.

    6 Caroline Puel, LE FIGARO, 31 juillet 1995, 15.

    7 Idem.

    8 op. cit. 6

    9 Avec seulement des flux d'exportations et d'importations ne correspondant qu'à quelque 10% du produit intérieur brut chinois, l'économie chinoise devrait évoluer en relative indépendance des pays occidetaux notamment.

    10 Thierry Pairault, La Distribution en Chine Le Courrier des Pays de l'Est,, janvier 1991, 2, 6.

    11 Davies, op. cit. 58.

    12 The Economist Intelligence Unit.

    13Stephen M. Shaw and Jonathan R. Woetzel, A Fresh Look at China, The McKinsey Quarterly, 1992 Number 3,37, 41.

    14 Idem.

    15 Id, 39.

    16State Statistical Bureau du Gouvernement chin ois, cité dans Ellanah Rubin, Craig Allen, The Franchsing Market in China, United States Documents, International Trade Administration, ISA9404, 1994, 1.

    17 Id., 3.

    18 Idem.
     
     
     

     

    DANIEL ARTHUR LAPRES

    Cabinet d'avocats

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