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INTRODUCTION AU DROIT CHINOIS

par

Daniel Arthur Laprès

 

HISTOIRE DU DROIT CHINOIS







1.1 - Histoire du droit chinois
1.1.1. - Introduction
1.2.2. - Chronologie des codes

1.2. - Le droit de l’Antiquité
1.2.1 - Introduction au droit de l’Antiquité
1.2.2 - Confucius
1.2.3 - Les légalistes

1.3. - Le droit dynastique
1.3.1. - Introduction au droit dynastique
1.3.2. - Les codes
1.3.3. - L’organisation judiciaire
1.3.4. - Litiges civils
1.3.5. - Régulation de la population
1.3.6. - Régulation des terres
1.3.7. - Régulation de l’expression
1.3.8. - L’Etat et la religion

1.4. - Le droit moderne
1.4.1. - La République
1.4.2. - La révolution communiste
1.4.3. - La réforme à partir de 1978
1.4.4. - L’accession à l’OMC et la réforme du droit
1.4.5. - La profession d'avocat
1.4.6. - L'enseignement du droit
 
 
 
 
 
 
 

 

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1.1.1. - Introduction

 Une particularité du droit chinois consiste en l’absence de recours à toute notion de divinité pour en expliquer l’origine ou en justifier l’application. Son fondement est plutôt éthique. Le transcendant est atteint en respectant l’harmonie avec l’univers (« Tian », soit « Ciel »).

Jusqu’au 6ième siècle avant JC, les rois délibéraient sur les questions au fur et à mesure qu’elles survenaient mais refusaient de réduire à l’écrit leurs règles de châtiment afin d’éviter de susciter des litiges parmi le peuple autour de leur interprétation et de leur application. Plutôt, le peuple devait se conformer aux grands principes de la justice (« yi ») en respectant les rites (« li »).L’administration devait au peuple la loyauté (« xin ») et devait agir en donnant l’exemple de la bonté (« ren »).

A partir de 536 avant JC, un premier code légal a été écrit dans le royaume de Cheng. Ce code semble avoir rapidement engendré des émules dans les royaumes voisins. Il a inspiré l’ensemble des lois sous les dynasties successives.

Encore une particularité de la tradition juridique chinoise survient en relation avec le débat qu’on y trouve autour de la nécessité même d’une loi écrite. Les confucéens ont d’abord été hostiles à l’adoption de la loi écrite, mais s’y sont finalement rangés tout en maintenant que dans l’Etat idéal, il n’y aurait pas lieu d’avoir recours à un droit écrit. Les points focaux de l’intérêt des confucéens étaient l’individu, la famille et la communauté locale.

La réplique aux confucéens a été assurée par l’école dite légaliste à cause de sa promotion de la loi écrite comme vecteur d’unification de l’Etat, voire d’imposition d’un régime totalitaire.

La loi au sens générique autant que les lois individuelles portent en chinois la désignation « fa » et, en fait, les contenus des lois correspondent surtout à des punitions «(« xing »). Bien moins fréquemment utilisé est le mot « lu » qui fait référence plutôt aux ramifications des lois prises individuellement ou collectivement, cette dernière connotation donnant au mot un sens ressemblant à celui de « code ». Les « fa » autant que les « lu » étaient susceptibles d’être renouvelés de dynastie en dynastie.En plus, on recense aussi, surtout à partir de la dynastie Ming un très grand nombre de « li » (le caractère écrit étant celui de « tiao li », pas celui pour « rite », également phonétisé en « li ») correspondant davantage à des arrêtés ou des décisions individuelles.

Jouent également dans l’ordre social chinois traditionnel un rôle évoquant des notions de droit en Occident les rites (« li ») dont le respect est un principe cardinal du confucianisme. Ainsi, ces rites couvrent une large gamme de situations, passant des célébrations religieuses et civiles à l’étiquette en société. Après être restés non écrits pendant des siècles, les rites sont devenus tellement complexes que même la confucéenne acceptée leur réduction à l’écrit.

Le respect des rites est demeuré dans la philosophie confucéenne l’attribut distinctif du « jun zi », « gentleman », « noble ». Les valeurs fondamentales sous-tendant le respect des rites relevaient du sentiment inné généralement ressenti par l’homme à un niveau d’abstraction comparable à celle qui est atteinte par le concept du droit naturel dans la tradition européenne. Par contre, la loi ne découle d’aucun précepte moral, correspondant plutôt à un outil d’exploitation de pouvoir politique en fonction des conditions de tout moment. Les rites favorisent la recherche de la beauté et de la poésie qui sont des moyens d’expression légitime des sentiments humains alors que la loi est dénuée d’inspiration morale ou sentimentale.La « bonté » (« ren ») et l’équité (« yi ») sont les « racines » de tout gouvernement alors que les lois (« fa ») ne sont que les ramifications.

D’autre part, le droit chinois n’est pas traditionnellement considéré comme ayant pour vocation de défendre tout régime de propriété individuelle. Les lois écrites dans la Chine traditionnelle ne comportent pas un droit des contrats. Le vecteur de régulation est plutôt la famille et les relations de rang en découlant. Ainsi Max Weber a-t-il succinctement résumé l’administration de la justice pendant la période dynastique comme correspondant à une « oblitération familiale de la ligne entre justice et administration »

Une autre manifestation de la spécificité chinoise envers le droit est l’application de la responsabilité collective, familiale ou communale, que l’on retrouve bien avant le confucianisme ou le légalisme mais qui ont été eux aussi des véhicules de cette idée.

On remarque que la loi dynastique est vraisemblablement la seule de toute l’historie à avoir prévu des punitions pour les victimes de crimes du fait de leur dénonciation de crimes même finalement avérés et donnant lieu à des sanctions aussi du coupable de l’infraction. Par exemple, l’épouse dénonçant son mari ou sa belle famille était punie de 3 ans de servitude pénale et 100 coups du gros bambou, et ceci à supposer que les accusations soient prouvées (si elles ne l’étaient pas, la plaignante était exécutée par strangulation). Plusieurs proverbes chinois dénigrent la justice : dont par exemple, « Gagnez votre procès et perdez votre argent »,  « Des dix raisons pour justifier tout jugement, neuf sont inconnus par le commun des mortels ».

Une loi unifiée a été appliquée sur l’ensemble du territoire pour la première fois sous la dynastie Chin (221-207 avant JC) renforcée sous la dynastie Han (206 avant JC, 220 après JC).

Les sources écrites sur le droit chinois sont abondantes par rapport à ce qui a été produit et conservé dans d’autres pays. Depuis la dynastie Tang, il subsiste la série complète des compilations des lois chinoises. La plus récente compilation, le Code de la dynastie Qing (1644-1911) a été fixée dans sa forme définitive en 1740 et comporte 436 sections, un nombre plus important de « lu » et quelque 1.800 lois subsidiaires.

Dans la tradition chinoise, les réclamations contre autrui étaient présentées au représentant local de l’autorité centrale, soit au niveau de la préfecture (« xian »). Ces représentants polyvalents de l’autorité centrale cumulaient les fonctions de policier, de procureur, de juge et de jury. Leur mission consistant essentiellement en le maintien de l’ordre, ces représentants n’étaient pas nécessairement formés en droit. Tout au plus, les magistrats locaux s’adjoignaient à leurs frais personnels des assistants qui très souvent avaient des connaissances spécialisées en droit.

Aucune profession d’avocat n’a vu le jour dans la Chine traditionnelle. D’ailleurs ceux qui s’aventuraient à assister autrui pour la rédaction de documents afférant à un litige se voyaient lourdement sanctionnés. Ils étaient désignés les « arnaqueurs de procès ».

Sous certains aspects, la loi chinoise était plus tolérante même que la loi européenne à la même époque. De  tous les temps le droit chinois a témoigné d’un grand respect pour la vie humaine, châtiant sévèrement ceux qui y portaient atteinte tout en encadrant les sentences capitales d’une multiplicité de contrôles et d’échappatoires.

Par exemple, en Angleterre, ce n’est qu’en 1818 que la peine de mort fut abolie pour les vols de plus de 5 shillings. A la même époque, sous la loi pénale chinoise, pour mériter la peine de mort pour vol, il fallait que le vol porte sur au moins 120 onces d’argent, ou que l’infraction ait été commise 3 fois, et la troisième fois pour plus de 50 onces. Surtout de nombreuses sentences de mort étaient reportées aux assises, ce qui signifiait qu’elles étaient soumises à révision par l’Empereur et dans la pratique elles étaient souvent réduites, surtout en exile.

 Le taux élevé de suicide qui un phénomène social particulier en Chine trouvait une explication partielle dans la honte ressentie après avoir été parti à un procès.

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